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ANNÉE 1758.

vu à portée de procurer des sommes plus considérables, et probablement à un meilleur prix.

Je tremble toujours, madame, que la guerre n’approche de vos terres et ne ravage encore ce qui reste de Troie[1]. Il paraît que le parti est pris d’armer toutes les aigles, tous les vautours, tous les faucons contre l’aigle des anciens Alains et Vandales. Moi, qui suis un pauvre vieux pigeon, je m’en retourne à mon colombier, et je vais redoubler mes gémissements et mes vœux pour la paix publique. Il paraît qu’en général tous les peuples et beaucoup de princes sont bien las de cette guerre, où il y a tant à perdre et rien à gagner. Je ne sais, madame, aucune nouvelle depuis que j’ai quitté la cour palatine. S’il se passait quelque chose dans vos quartiers, je supplie Votre Altesse sérénissime de daigner m’en faire donner part. L’intérêt que je prends à tout ce qui arrive dans le voisinage de ses États autorise cette liberté.

J’ai eu l’honneur de voir à Schwetzingen messeigneurs les princes de Mecklembourg, qui m’ont paru très-aimables et très-bien élevés. Que vont-ils faire à Genève ? Ce n’est pas là qu’ils apprendront le métier des armes, auquel ils se destinent. On ne connaît dans ce pays-là que des disputes très-paisibles de sociniens, disputes dont tout prince s’embarrasse fort peu. Je vais porter, madame, dans ce séjour tranquille mon respect pour Votre Altesse sérénissime, pour toute votre auguste maison, et mon éternel attachement.


Le Suisse V.

3641. — DE MADAME LA MARGRAVE DE BADE-DOURLACH[2].
À Carlsruhe, le 17 août.

Monsieur, je viens de recevoir la lettre très-obligeante que vous venez de m’écrire. Si j’avais pu vous prouver dans toute son étendue la considération que j’ai pour vous, j’oserais alors me flatter, monsieur, de mériter votre estime. La reconnaissance que vous me devriez me tiendrait lieu de mérite, et, à quelque prix que je me visse assurée de votre amitié, cela me suffirait toujours pour me rendre trop heureuse.

Votre pastel est en train. Jamais je n’ai travaillé avec plus de plaisir. Je m’abandonne à l’idée charmante que cela vous empêchera d’oublier une

  1. Racine, Andromaque, acte I, scène ii.

    … Relliquias Troja es ardente receptas.

    (Æn., lib. VII, v. 244.)
  2. Charlotte-Louise de Hesse-Darmstadt, mariée, en 1751, à Charles-Frédéric de Bade-Dourlach ; morte le 8 avril 1783.