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CORRESPONDANCE.

à votre auguste famille le repos, qui est la récompense de la vertu !

Conservez, madame, vos bontés à votre vieux Suisse, qui n’oublie pas la grande maîtresse des cœurs.


3626. — À M. DIDEROT.
Aux Délices, 26 juin.

Vous ne doutez pas, monsieur, de l’honneur et du plaisir que je me fais de mettre quelquefois une ou deux briques à votre grande pyramide. C’est bien dommage que, dans tout ce qui regarde la métaphysique et même l’histoire, on ne puisse pas dire la vérité. Les articles qui devraient le plus éclairer les hommes sont précisément ceux dans lesquels on redouble l’erreur et l’ignorance du public. On est obligé de mentir, et encore est-on persécuté pour n’avoir pas menti assez. Pour moi, j’ai dit si insolemment la vérité dans les articles Histoire, Imagination, et Idolâtrie, que je vous prie de ne les pas donner sous mon nom à l’examen. Ils pourront passer si on ne nomme pas l’auteur ; et, s’ils passent, tant mieux pour le petit nombre de lecteurs qui aiment le vrai. Je vais faire un petit voyage à la cour palatine. Cette diversion m’empêche d’ajouter de nouveaux articles à ceux que M. d’Argental veut bien se charger de vous rendre. J’enverrai seulement Humeur (moral), et je l’adresserai à Briasson.

Je vous avais trouvé deux aides-maçons, dont l’un[1] est un savant dans les langues orientales, et l’autre un amateur de l’histoire naturelle, qui connaît toutes les curiosités des Alpes, et qui peut donner de bons mémoires sur les fossiles et sur les changements arrivés à ce globe, ou globule, qu’on nomme la terre. Ces deux messieurs ne demandaient qu’un exemplaire, afin de se régler par ce qui a déjà été imprimé. L’un d’eux a fourni quelques articles, mais il ne paraît pas que les libraires veuillent leur faire ce petit présent. Il y a grande apparence qu’on peut se passer de leurs secours.

Je souhaite que vos peines vous procurent autant d’avantages que de gloire. Comptez qu’il n’y a personne au monde qui fasse plus de vœux pour votre bonheur, et qui soit plus pénétré d’estime et d’attachement pour vous que

le petit Suisse.
  1. L’un était Polier de Bottens ; Élie Bertrand était l’autre.