Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
457
ANNÉE 1758.

fais partir, sous l’enveloppe de M. de Chauvelin, Imagination et Idolâtrie ; ce sont deux morceaux qui m’ont coûté bien de la peine. C’est une entreprise hardie de prouver qu’il n’y a point eu d’idolâtres. Je crois la chose prouvée, et je crains de l’avoir trop démontrée. C’est à vous à protéger les vérités délicates que j’ai dites dans les articles Idolâtrie et Imagination. Elles pourront passer au tribunal des examinateurs, si elles ne sont pas annoncées sous mon nom. Ce nom est dangereux et met tout bon théologien en garde.

Enfin,


… nostrorum sermonum candide judex,

(Hor., lib. I, èp. iv.)


voyez si vous pouvez avoir la bonté de donner ces articles à Diderot. Je vous ai déjà envoyé celui d’Histoire par M. de Chauvelin ; tout cela composerait un livre. J’ai sacrifié mon temps à l’Encyclopédie ; je ne plaindrai pas mes peines si le livre devient meilleur de jour en jour, et je souhaite que mes articles soient les moins bons.

Peut-être est-ce prendre bien mal son temps de vous parler de ce qui ne peut occuper que des philosophes, tandis qu’il se passe tant de choses qui doivent intéresser tout le monde.

Je me flatte au moins que vous n’avez de maison ni à Saint-Malo[1] ni sur les bords du Rhin.

Puisse M. le comte de Clermont battre les Hanovriens ! Puissent les Anglais, qui sont descendus près de Saint-Malo, ne pas retourner chez eux ! Et puissiez-vous approuver et faire approuver Histoire, Idolâtrie, Imagination ! Je n’en ai plus, de cette imagination ; mais les sentiments qui m’attachent à vous sont plus vifs que jamais.

J’ajoute encore un petit mot sur ma triste figure. Je vous jure que je suis aussi laid que mon portrait ; croyez-moi. Le peintre n’est pas bon, je l’avoue ; mais il n’est pas flatteur. Faites-en faire, mon cher ange, une copie pour l’Académie, Qu’importe, après tout, que l’image d’un pauvre diable, qui sera bientôt poussière, soit ressemblante ou non ? Les portraits sont une chimère comme tout le reste. L’original vous aimera bien tendrement tant qu’il vivra.

  1. Le 5 juin, les Anglais mouillèrent à Cancale près de Saint-Malo, et débarquèrent le lendemain quatorze à quinze mille hommes pour assiéger cette ville ; mais ils se rembarquèrent les 12, 13 et 14 du même mois.