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ANNÉE 1758.

Ce qui me tient beaucoup plus au cœur, c’est que vous veniez à Lyon, mon cher ange. Il faut absolument que Tronchin, qui va partir, fasse cette négociation[1], et qu’il la fasse de lui-même, et qu’il y réussisse. Comptez qu’il entend ces affaires-là comme celles du change. Mon Dieu, le joli coup que ce serait ! On est riche comme un puits. On radote. J’aurais le bonheur de vous voir. J’ai toujours peur de radoter moi-même en me livrant trop à mes idées ; mais pardonnez-moi la plus douce illusion du monde.

Mme de Fontaine vous rapportera Fanime et la Femme qui a raison. Si ces misères vous amusent, elles en amuseront bien d’autres.

Je me flatte que Mme d’Argental est en bonne santé. Je baise les ailes de tous les anges.

Je fais mille tendres compliments à M. de Sainte-Palaye ; je suis aussi honoré qu’enchanté de l’avoir pour confrère[2].


3619. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 16 juin.

Vous avez dû, madame, avoir M. le prince de Soubise, qui probablement a passé par Strasbourg pour aller prendre sa revanche. M. le comte de Clermont joue peut-être sa première partie au moment où je vous écris[3]. En attendant, nous payons les cartes. Permettez-moi de vous demander où est monsieur votre fils pendant toutes ces aventures. Ne sert-il pas toujours ? N’a-t-il pas été de son lit de mariage à son lit de camp ? Était-il dans l’armée de Hanau ? Est-il dans l’armée du Rhin ? Je fais toujours des vœux pour sa conservation, pour son avancement, et pour la tranquillité de votre vie.

J’ai été sur le point, madame, de venir vous faire une visite. Je promets tous les ans à monseigneur l’électeur palatin de lui aller faire ma cour. Je viendrais vous demander un lit, et jouir de la consolation de causer avec vous, si je pouvais faire le voyage ; mais ma mauvaise santé et ma famille, que j’ai auprès

  1. Il s’agissait d’exciter Mme de Grolée à engager son neveu d’Argental à la venir voir à Lyon. Voltaire espérait de cette entrevue des suites avantageuses pour son ami.
  2. Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye, né à Auxerre en 1697, reçu à l’Académie française en 1758, à la place de Boissy, est mort le 1er mars 1781.
  3. Quelques jours plus tard, le 23 juin, Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, fut battu près de Crevelt par le prince Ferdinand de Brunswick.