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ANNÉE 1758.

longtemps décrié est enfin tombé entre les mains d’un véritable homme d’esprit et d’un philosophe capable de le relever et d’en faire un très-bon journal. Adieu ; nos Délices vous font mille compliments.


3610. — DE CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.
Manhein, le 23 mai.

Je ne pouvais rien apprendre de plus agréable, monsieur, que le projet que vous avez fait de venir ici. J’irai le 27 de ce mois à Schwetzingen[1], où je vous attendrai avec la plus grande impatience. Quel bonheur en effet de jouir de votre compagnie, et de converser avec un homme tel que vous ! Je m’en fais un tel plaisir d’avance que j’espère bien que votre santé ni les housards ne me tromperont pas dans mon attente. C’est alors que je pourrai raisonner bien plus librement avec le petit Suisse sur les grandes révolutions que nous voyons présentement. Vous connaissez les sentiments de la parfaite estime que j’aurai toujours pour le petit Suisse.


Charles-Théodore, électeur.

3611. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 24 mai.

Mon divin ange, je vous envoie de la prose. Vous aimeriez mieux une tragédie, je le sais bien ; et j’aimerais mieux travailler pour vous que pour l’Encyclopédie ; mais, entre nous, il est plus aisé de faire le métier de Diderot que celui de Racine. Je vous demande en grâce de lire cet article Histoire ; il me semble qu’il y a quelque chose d’assez neuf et d’assez utile ; mais si vous n’en jugez pas ainsi, j’en jugerai comme vous. J’ai plus de foi à votre goût que je n’ai d’amour-propre.

Je n’en ai point sur mon portrait, c’est d’amour-propre dont je parle. Vous dites que le portrait ne me ressemble pas ; vous êtes la belle Javotte, et moi le beau Cléon. Vous croyez donc qu’après huit ans[2] la charpente de mon visage n’a point changé. Je vous jure, en toute humilité, que le portrait ressemble. Je le trouve encore bien honnête à mon âge de soixante-quatre ans ; et si vous vouliez vous entendre avec mon patron d’Olivet, pour en faire tirer une copie et la nicher dans l’Académie, au-dessous de la grosse et rubiconde face de M. l’abbé de Bernis, vous em-

  1. Voltaire arriva chez l’électeur vers le milieu de juillet suivant.
  2. Voltaire avait quitté Paris à la fin de juin 1750 ; mais il était allé passer quelques semaines à Plombières, avec d’Argental, en 1754.