Mon divin ange, je songe à une chose. Si Babet[1] vous procurait une ambassade ! Vous me direz que vous êtes trop honnête homme pour négocier ; mais il y a des honnêtes gens partout. Je voudrais que vous relevassiez M. de Chavigny[2]. Comptez que tous nos Suisses seraient enchantés. Que sait-on ? Ce que je vous dis là n’est point si sot ; pensez-y.
Ma nièce Fontaine est à Lyon ; j’espère qu’elle m’apportera mes paperasses encyclopédiques. Savez-vous des nouvelles de cette Encyclopédie ? Je les aime mieux que les nouvelles publiques, qui sont presque toujours affligeantes,. Mille respects à tous les anges. Je baise toujours le bout de vos ailes.
Je suis bien sensible, madame, à la marque de confiance que vous me donnez. Nous pouvons nous dire l’un à l’autre ce que nous pensons du public, de cette mer orageuse que tous les vents agitent, et qui tantôt vous conduit au port, tantôt vous brise contre un écueil ; de cette multitude qui juge de tout au hasard, qui élève une statue pour lui casser le nez, qui fait tout à tort et à travers : de ces voix discordantes qui crient hosanna le matin, et crucifige le soir ; de ces gens qui font du bien et du mal sans savoir ce qu’ils font. Les hommes ne méritent certainement pas qu’on se livre à leur jugement, et qu’on fasse dépendre son bonheur de leur manière de penser. J’ai tâté de cet abominable esclavage, et j’ai heureusement fini par fuir tous les esclavages possibles.
Quand j’ai quelques rogatons tragiques ou comiques dans mon portefeuille, je me garde de les envoyer à votre parterre. C’est mon vin du cru ; je le bois avec mes amis. J’histrionne pour mon plaisir, sans avoir ni cabale à craindre, ni caprice à essuyer. Il faut vivre un peu pour soi, pour sa société ; alors on est en paix. Qui se donne au monde est en guerre ; et, pour faire la guerre, il faut qu’il y ait prodigieusement à gagner, sans quoi on la fait en dupe : ce qui est arrivé quelquefois à quelques puissances de ce monde.
Au reste, les cabales n’empêcheront jamais que vous ne soyez