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CORRESPONDANCE.

Si vous vous metlez à voyager autour de votre province, mon cher gouverneur, tâchez de prendre le temps où nous jouons des comédies à Lausanne : nous vous en donnerons de nouvelles, recreati præsentia.

Vous vous imaginez donc que j’ai un château près de Lausanne ? Vous me faites trop d"honneur ; j’ai une maison commode et bien bâtie dans un faubourg ; elle sera château quand vous y serez. Je fais actuellement le métier de jardinier dans ma petite retraite des Délices, qui seraient encore plus délices si on avait le bonheur de vous y posséder.

Conservez vos bontés au Suisse


Voltaire.

3587. — À M. L’ABBÉ AUBERT[1],
à paris.
Aux Délices, 22 mars.

Je n’ai reçu, monsieur, que depuis très-peu de jours, dans ma campagne où je suis de retour, la lettre pleine d’esprit et de grâces dont vous m’avez honoré, accompagnée de votre livre, qui me rend encore votre lettre plus précieuse. Je ne sais quel contre-temps a pu retarder un présent si flatteur pour moi. J’ai lu vos fables avec tout le plaisir qu’on doit sentir quand on voit la raison ornée des charmes de l’esprit. Il y en a quelques-unes qui respirent la philosophie la plus digne de l’homme. Celles du Merle, du Patriarche, des Fourmis, sont de ce nombre. De telles fables sont du sublime écrit avec naïveté. Vous avez le mérite du style, celui de l’invention, dans un genre où tout paraissait avoir été dit. Je vous remercie et je vous félicite. Je donnerais ici plus d’étendue à tous les sentiments que vous m’inspirez, si le mauvais état de ma santé me permettait les longues lettres ; je peux à peine dicter, mais je ne suis pas moins sensible à votre mérite et à votre présent.

J’ai l’honneur d’être, avec toute l’estime que je vous dois, etc[2].

  1. Réponse à la lettre 3517.
  2. Labbé Aubert repondit à la lettre de Voltaire car les vers que voici : <poem> Ma muse n’est pas assez vaine Pour espérer, par ses essais, Égaler les brillants succès De l’ingénieux La Fontaine : Elle connaît tout le danger Du goût décidé qui l’entraîne ; Mais tu daignas l’encourager,