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ANNÉE 1758.

papiers à Mme de Fontaine ou à M. d’Argental, ou à vous, que je supplie de les rendre à Mme de Fontaine.

Au reste, je n’ai point de terme pour vous exprimer combien je serai affligé et indigné si vos confrères continuent à écrire sous la potence. Attendez seulement un an, et il n’y aura qu’un cri dans le public pour vous engager à continuer en hommes libres et respectés.

M. de Malesherbes vous a, je crois, donné la Procession servetine qu’on lui a envoyée pour vous, Servet, sans doute, aurait signé cette confession. C’est là une des belles contradictions de ce monde. Ceux qui ont fait brûler Servet pensent absolument comme lui, et le disent. On vient d’imprimer le socinianisme tout cru à Neufchâtel ; il triomphe en Angleterre ; la secte est nombreuse à Amsterdam, Dans vingt ans, Dieu aura beau jeu.

Tout ce qu’on a écrit sur des officiers généraux prussiens et sur l’abbé de Prades est faux ; on ne dit que des sottises. L’abbé de Prades est aux arrêts pour avoir mandé des nouvelles assez indifférentes, les seules qu’il pouvait savoir. On traite à Paris les hommes comme des singes ; ailleurs, comme des ours,


Fortunatus et ille deos qui novit agrestes.

(Virg. Georg., II, v. 493.)

J’attends les beaux jours pour aller voir mes Délices. En attendant nous jouons la comédie, et mieux qu’à Paris : vana absit gloria.

Vive liber et felix. Il faut que vous fassiez encore un voyage à Genève.


3565. — À MADAME D’ÉPINAI.
Lausanne, 26 février.

Vous, la goutte, madame ! Je n’en crois rien ; cela ne vous appartient pas. C’est le lot d’un gros prélat, d’un vieux débauché, et point du tout d’une philosophe dont le corps ne pèse pas quatre-vingts livres, poids de Paris, Pour de petits rhumatismes, de petites fluxions, de petits trémoussements de nerfs, passe ; mais si j’étais comme vous, madame, auprès de M. Tronchin, je me moquerais de mes nerfs. C’est un bonheur dont je ne jouirai qu’après le retour du printemps, car je ne crois pas que le secrétaire et le chef des orthodoxes veuille jamais venir voir nos divertissements profanes et suisses. Cependant, madame, j’espère qu’il vous accompagnera quand nous serons un peu en train, qu’il y aura moins de neige le long du lac, et que vos nerfs vous