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ANNÉE 1758.

Je ne sais pas ce qui peut autoriser son impertinence de ne me point répondre ; mais rien ne peut justifier le refus de me restituer mes papiers. Il faut avoir un style net et un procédé net.

Les Russes sont à Kœnigsberg. L’année 1758 vaudra bien la dernière. D’ailleurs on ne fait que mentir. La fessade et le carcan de l’abbé de Prades sont des contes ; mais il est triste qu’on les fasse. Quiconque est là s’expose au moins à faire dire qu’il est fessé. Feliciter vivit qui libere vivit.

Que fait Jean-Jacques chez les Bataves[1] ? que va-t-il imprimer ? sa rentrée dans le giron de l’Église de Genève.

Ce n’est point Huber qui a dit que les prédicants étaient occupés à donner un état à Jésus-Christ, c’est Mme Cramer ; elle en dit quelquefois de bonnes. La lenteur et l’embarras de ces gens-là vous justifient à jamais.


3556. — À M. LE COMTE DE TRESSAN.
À Lausanne, 13 février.

Je reçois, monsieur, une réponse à la lettre que j’eus l’honneur de vous écrire hier. Votre bonté m’avait prévenu. Je ne savais pas que vous eussiez déjà reçu le fatras énorme dont vous voulez bien charger les tablettes de votre bibliothèque. Il y a là bien des inutilités ; mais, si on se réduisait à l’utile, l’Encyclopédie même n’aurait pas tant de volumes. Il y a d’excellents articles, et celui de Génie[2] n’est pas le moindre. Si vous étiez encore dans les gardes, n’est-il pas vrai que vous auriez arrêté ce Père Chapelain[3] qui prêche comme l’autre Chapelain faisait des vers, et qui a l’insolence de condamner, devant le roi, un livre muni du sceau du roi ? Ces marauds-là ont peut-être raison de crier contre la vérité, et de sonner l’alarme quand leur ennemi est aux portes ; mais on n’a pas raison de souffrir leurs impertinentes et punissables clameurs.

Voilà le temps où tous les philosophes devraient se réunir. Les fanatiques et les fripons forment de gros bataillons, et les philosophes dispersés se laissent battre en détail : on les égorge un à un ; et pendant qu’ils sont sous le couteau, ils se brouillent ensemble, et prêtent des armes à l’ennemi commun. D’Alembert

  1. Rousseau passa l’année 1758 à Montmorency.
  2. L’article est anonyme, et Saint-Lambert en est l’auteur.
  3. Voyez page précédente.