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ou si l’abbé de Condillac va à Parme lui apprendre à raisonner ? Savez-vous quand il part ? Seriez-vous femme à lui persuader de prendre sa route par Genève et par Turin ? S’il fait ce voyage cet hiver, nous le recevrions à Lausanne, nous le mènerions aux Délices, et de là nous le guinderions par le mont Cenis à Turin, de Turin dans le Milanais, et du Milanais dans le Parmesan. Portez-vous bien, et aimez-nous.


3540. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
À Lausanne, 27 janvier 1758.
aux housards, et autre messieurs de cette espèce.

Meurtriers à brevet, avides de pillage,
Ne prenez point ma lettre ; et souvenez-vous bien
Qu’en saisissant mes vers peu faits pour votre usage,
 :  : Vous n’y gagneriez jamais rien.
 :  : Housards, j’écris à Dorothée,
Aux grâces, à l’esprit, aux plus nobles appas,
À la douce vertu, de faiblesse exemptée ;
 :  : Cela ne vous regarde pas.


Madame, après avoir présenté cette petite requête aux housards, je remercie d’abord Votre Altesse sérénissime de la lettre dont elle m’honore, en date du 17 janvier, et j’ose assurer que je rends bien à la grande maîtresse des cœurs toutes ses caresses. Ma lettre du 27 septembre de l’année passée aurait eu le temps d’aller aux Indes : je l’avais donnée à M. le maréchal de Richelieu, dans l’idée qu’il viendrait vous faire sa cour, et me flattant, madame, que quand il verrait Votre Altesse sérénissime, on ne se battrait plus sur votre territoire. Apparemment que le dépit de ne pas jouir de l’honneur de vous voir lui aura fait longtemps garder ma lettre, et qu’il l’aura retrouvée en faisant ses paquets.

Je suis toujours Suisse, madame ; mais quand serai-je Thuringien ? et quand la Thuringe n’entendra-t-elle plus parler de marches, de contremarches et de combats ? Hélas ! on ne nous fait pas espérer la paix pour cette année ; ce meilleur des mondes possibles a encore quelques années à souffrir. Votre Altesse sérénissime reverra peut-être encore le héros formidable et aimable à qui elle a fait les honneurs de son palais, et qui semblait dans ce temps critique n’avoir rien à faire qu’à tâcher de lui plaire. Je

  1. Éditeurs, Bavoux et François.