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très-avérée. Comment ne le serait-elle pas, puisque le sénat renvoya cet ambassadeur sur-le-champ, et qu’il fit mourir tant de complices ? Eût-on fait cet outrage au roi d’Espagne ? Se fût-on joué ainsi de la vie de tant de malheureux, pour supposer à l’Espagne une entreprise criminelle ? On craignait alors beaucoup les Espagnols en Italie. Venise, qui n’était point en guerre avec eux, voulait les ménager. Eût-ce été les ménager que leur imputer une pareille trahison ? On l’ensevelit autant qu’on put dans le silence, et le sénat avait en cela très-grande raison. Comment vouliez-vous que ce même sénat empêchât ensuite la promotion de Bedmar au cardinalat ? Les Vénitiens ont-ils jamais eu de crédit à Rome ? L’entreprise de Bedmar contre Venise était une raison de plus pour lui procurer le chapeau, plutôt qu’une raison pour l’exclure.

Ne rangez pas non plus la conspiration des poudres parmi les suppositions ; elle n’est que trop véritable. Personne en Angleterre ne forme le moindre doute aujourd’hui sur cette entreprise infernale. La lettre de Piercy, qui existe, la mort qu’il reçut à la tête de cent cavaliers, le supplice de dix conjurés, le discours de Jacques Ier au parlement, sont des preuves contre lesquelles les jésuites n’ont jamais opposé que des objections méprisées. C’est en respectant vos lumières que je vous fais ces observations ; et c’est avec bien de l’estime que j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.


3537. — À M. COLINI.
À Lausanne, 23 janvier.

Je suis très-sensible à votre souvenir, mon cher Colini, et je vous souhaite un état assuré et tranquille, qui puisse vous faire oublier les agréments de votre beau pays. Je me trouve mieux que jamais de celui que j’ai choisi pour ma retraite. J’ai beaucoup embelli les Délices, et j’ai pris enfin une maison[1] à Lausanne, que j’ai très-ornée, et dans laquelle on est entièrement à l’abri des rigueurs de la saison. Je vois, de mon lit, quinze lieues de ce beau lac que vous connaissez. C’est le plus bel aspect que j’aie jamais vu ; c’est là que je m’inquiète assez peu de tous les bouleversements de l’Allemagne. Vous devez vous intéresser à l’Autriche, puisque vous gouvernez un Autrichien[2], et que vous

  1. Voyez la lettre 3364.
  2. Le fils du comte de Sauer.