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des libelles protégés, autorisés, commandés même par ceux qui ont l’autorité en main, sont quelque chose, surtout quand ces libelles vomissent contre nous les personnalités les plus odieuses et les plus infâmes. Observez d’ailleurs que si nous avons dit jusqu’à présent dans l’Encyclopédie quelques vérités hardies et utiles, c’est que nous avons eu affaire à des censeurs raisonnables, et que les docteurs n’ont censuré que la théologie, qui est faite pour être absurde, et qui cependant l’est moins dans l’Encyclopédie qu’elle ne pourrait l’être. Mais qu’on établisse aujourd’hui ces mêmes docteurs pour réviseurs généraux de tout l’ouvrage, et qu’on nous donne par ces moyens des entraves intolérables, c’est à quoi je ne me soumettrai jamais. Il vaut mieux que l’Encyclopédie n’existe pas que d’être un répertoire de capucinades. Je ne sais quel parti Diderot prendra ; je doute qu’il continue sans moi ; mais je sais que, s’il continue, il se prépare des tracasseries et du chagrin pour dix ans. En un mot, il faut qu’on dise de nous :


Non sibi, sed patriæ scripserunt ;
Nec plus scripserunt quam illa voluit.


C’est une parodie de l’épitaphe du maréchal de Catinat, où il y a vicit au lieu de scripserunt.

Adieu, mon cher et illustre philosophe ; je vous embrasse de tout mon cœur. Voilà votre Alcibiade[1], qui revient plus couvert de gale que de gloire, et votre disciple[2], qui traite le Mecklenbourg comme il a fait la Saxe. On dit que l’armée autrichienne est détruite par l’affaire du 5 et la prise de Breslau.

P. S. Les libraires n’ont plus d’exemplaires de mes Mélanges[3] ; il faut que je les réimprime. Je tâcherai, en attendant, de vous les trouver ; mon exemplaire est trop raturé pour que je vous l’envoie.


3533. — À M. DIDEROT.

Voilà deux lettres de suite[4], monsieur ; mais il faut que je me confie à votre discrétion, à votre probité, à votre zèle pour la philosophie. On vous engage à demander une rétractation à M. d’Alembert. Il se déshonorerait à jamais, lui et le Dictionnaire. S’il avait révélé un secret, il aurait eu tort ; mais il a imprimé publiquement ce qui est très-public. Le livre où le professeur Vernet, professeur de la science absurde, dit que la révélation

  1. Richelieu.
  2. Le roi de Prusse.
  3. Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie (par d’Alembert) ; 1753, in-12 ; réimprimés et augmentés. Les dernières éditions ont cinq volumes. (B.)
  4. D’après ce début, on doit croire que cette lettre a suivi de près le n° 3522.