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Il paraît ici depuis quelques jours un livre qui a vivement échauffé les têtes[1] et qui cause des discussions fort intéressantes entre différentes personnes de ce pays, parce que l’on prétend que la constitution de leur gouvernemrnt y est intéressée : Voltaire s’y trouve mêlé pour des propos assez vifs qu’il a tenus à ce sujet contre les prêtres. La grosse nièce trouve fort mauvais que tous les magistrats n’aient pas pris fait et cause pour son oncle. Elle jette tour à tour ses grosses mains et ses petits bras par-dessus sa tête, maudissant avec des cris inhumains les lois, les républiques, et surtout ces polissons de républicains qui vont à pied, qui sont obligés de souffrir les criailleries de leurs prêtres, et qui se croient libres. Cela est tout à fait bon à entendre et à voir


3512. — À M. THIERIOT.
Lausanne, 5 janvier.

Le cacouac[2] de Lausanne vous souhaite santé et prospérité. Je ne sais pas comment les supérieurs des jésuites, qui d’ordinaire réparent par la prudence la folie qu’ils ont faite de s’enrôler à quinze ans, peuvent souffrir de telles impertinences dans leurs bas officiers. Ils se font des ennemis irréconciliables ; ils se rendent l’horreur et le mépris de tous les honnêtes gens. Voilà de plaisants marauds, de croire soutenir la religion par des libelles diffamatoires, et de mériter le pilori en prêchant les bonnes mœurs !

Les prédicants de Genève seront plus sages, et je crois qu’ils se garderont bien de s’exposer au ridicule en attaquant l’Encyclopédie.

J’attends avec impatience la tragédie[3] de l’homme à talent qui a eu le bon esprit de quitter les jésuites, et le courage de donner à vos dames une belle pièce sans amour. J’espère qu’il n’en sera pas de cette pièce comme de tant d’autres, qui ont paru avec éclat pour être plongées ensuite dans un éternel oubli.

Il y a en effet, mon cher et ancien ami, de beaux articles dans le septième tome de l’Encyclopédie ; mais ce ne sont pas les miens. Ce ne sont pas non plus les déclamations vagues et plates qui se trouvent là en trop grand nombre, mais les articles vrai-

  1. L’article Genève, de d’Alembert, qui venait de paraître dans le VIIe volume de l’Encyclopédie.
  2. Ce nom désigne les philosophes. J.-N. Morcau, mort en 1803, avait publié Nouveau Mémoire pour servir à l’Histoire des Cacouacs, 1757, petit in-8o. Le Catéchisme et Décisions des cas de conscience, à l’usage des Cacouacs, etc., publié en 1758, est d’un abbé de Saint-Cyr. (B.)
  3. Iphigénie en Tauride, par Guimond de La Touche.