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3153. — À M. DUPONT,
avocat.
Aux Délices, 16 avril.

Le Suisse Voltaire envoie au philosophe de Colmar, pour ses œufs de Pâques, ces deux petits sermons[1] de carême. Mme Denis et lui l’aimeront toujours.


3154. — DE M. DUPONT[2].

J’ai reçu vos deux sermons : qu’ils sont beaux, mon révérend père ! Ah ! que j’aurais de goût pour le pain de la parole, si ceux qui le distribuent savaient le pétrir comme vous !

Vous faites ressusciter en moi des germes de sentiments qui languissaient. Vous remontez les ressorts de mon âme, et je m’aperçois que si vous vouliez, vous pourriez bien faire mon esprit, comme il me souvient que vous faisiez votre corps. Quoique vous n’ayez jamais tort avec moi, j’oserai cependant vous dire que le Tout est bien n’est pas mal. Il serait assez gentil que cette leçon fit des progrès. Les conséquences en sont admirables ; mais vous voulez faire votre paix, et vous sacrifiez une assez bonne citadelle dont le parti peut se passer. Votre Loi naurelle est divine. Si les législateurs hébreux et autres parlaient ainsi, quel charme de les écouter ! Je ne vous en dirai pas davantage, mon révérend père, crainte de vous mal louer. Il faudrait savoir parler comme vous pour s’en acquitter dignement. Adieu. Prêchez de temps en temps, et n’attendez pas la fin du carême pour m’envoyer vos sermons, sans quoi je pourrai bien aller en Suisse pour les entendre.

Je ne sais rien dire autre chose à Mme Denis, sinon que je l’admire, et que j’ose l’aimer.


3155. — À M. LE DUC D’UZÈS[3].
Aux Délices, près de Genève, 16 avril.

Vous voyez, monsieur le duc, l’excuse de mon long ; silence dans la liberté que je prends de ne pas écrire de ma main. Mes yeux ne valent pas mieux que le reste de mon corps. Il faut que vous ayez plus de courage que moi, puisque vous écrivez de si jolies lettres avec un rhumatisme ; mais c’est que vous avez autant d’esprit que de courage.

  1. M. de Voltaire m’a écrit ce billet en m’en voyant ses deux poëmes sur le Désastre de Lisbonne et la Loi naturelle. (Note de Dupont.)
  2. Lettres inédites de Voltaire, etc., 1821.
  3. Voyez tome XXXVII, page 175.