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ils doivent vous écrire. Je vous prie très-instamment de leur mander, pour toute réponse, que vous avez reçu leur lettre, que vous leur rendrez service autant que vous le pourrez, et que vous me chargez de leur signifier vos intentions et de finir cette affaire. Je vous assure que, mes amis et moi, nous les mènerons beau train ; ils boiront le calice jusqu’à la lie. Faites ce que je vous demande, et laissez agir vos amis ; vous serez content. J’attends à Lausanne Histoire contre-signée. Je suis un peu incommodé des mouches dont mon appartement est plein, vis-à-vis des glaces éternelles des Alpes. Il y a toujours dans ce monde quelque mouche qui me pique ; mais cela ne m’empêchera pas de vous servir.

On dit breslau repris par le roi de Prusse ; cela pourrait bien être[1], car il y a plus d’un mois qu’il ne m’a envoyé de vers. Je le crois très-occupé, et vous aussi. Ainsi je finis en vous embrassant de tout mon cœur ; ainsi fait Mme Denis.


Le Suisse V.

3504. — À M. TRONCHIN, DE LYON[2].
Lausanne, 3 janvier 1758.

Voici ce que le confident de madame la margrave m’écrit : « On croit, comme vous, qu’il faut faire la paix. Le roi de Prusse le désire, à ce qu’il paraît. Je voulais vous dire les obstacles que j’envisage ; mais les ordres de Son Altesse royale m’obligent à renvoyer mes idées à une autre poste. Je ne sais si elle vous écrira par celle-ci ; mais je peux vous assurer que vous n’êtes oublié ni dans les succès ni dans les triomphes. »

Cette année sera peut-être celle de nos malheurs, comme 1757 a été l’année des vicissitudes. Si la victoire de Lissa est aussi complète que le roi de Prusse le dit ; s’il a vingt mille prisonniers comme il s’en vante, malgré l’improbabilité du nombre ; s’il est secouru des Anglais, comme il y a grande apparence, voilà en Allemagne une balance établie, et les deux plats de la balance seront chargés de cadavres et vides d’argent. L’Allemagne sera divisée et affaiblie, et, en ce cas, la France sera plus heureuse que si elle avait agrandi la maison d’Autriche par des victoires funestes.

Mais aussi, d’un autre côté, s’il arrive de nouvelles infortunes

  1. Cela était effectivement.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François. — Cette lettre, toute diplomatique, est fort curieuse.