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sieurs-là sont de terribles imbéciles. Gardez-moi le secret avec les rois et avec les prêtres, et croyez que je vous suis attaché avec l’estime infinie et la reconnaissance que je vous dois.


Le vieux Suisse V.

3487. — À M. MADAME D’ÉPINAI.

Je demande aujourd’hui la permission de la robe de chambre à Mme d’Epinai. Chacun doit être vêtu suivant son état. Mme d’Épinai doit être coiffée par les Grâces, et il me faut un bonnet de nuit.


3488. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 17 décembre.

Il faut que vous me pardonniez, mon cher ange ; je suis un bon Suisse qui avais trop pris les choses à la lettre. Vous me mandiez qu’on a plus de ménagements et plus de jalousies qu’un amant et une maîtresse, et que mes correspondances mettaient obstacle à un retour qu’on pourrait attribuer à ces correspondances mêmes. Daignez considérer que le temps où vous me parliez ainsi était précisément celui où le bon Suisse n’avait fait aucune difficulté d’avouer à Mme de Pompadour ces liaisons que je crus un peu dangereuses, sur votre lettre. Rien n’est assurément plus innocent que ces liaisons : elles se sont bornées, comme je vous l’ai dit, à consoler un roi qui m’avait fait beaucoup de mal, et à recevoir les confidences du désespoir dans lequel il était plongé alors. Je vous avertis que le roi de Prusse et l’impératrice pourraient voir les lettres que j’ai écrites à Versailles, sans que ni l’un ni l’autre pût m’en savoir le moindre mauvais gré. J’avais cru seulement que le désespoir où je voyais le roi de Prusse pouvait être un acheminement à une paix générale, si nécessaire à tout le monde, et qu’il faudra bien faire à la fin. Je ne m’attendais pas alors que nos chers compatriotes se couvriraient d’opprobre, et qu’une armée de cinquante mille hommes fuirait comme des lièvres devant six bataillons dont les justaucorps viennent à la moitié des fesses ; je ne prévoyais pas que les Hanovriens assiégeraient Harbourg, et qu’ils seraient plus forts que M. de Richelieu. Nous avons grand besoin d’être heureux dans ce pays-là, car nous y sommes en horreur pour nos brigandages[1], et méprisés pour notre lâcheté du 5 de novembre.

  1. Le maréchal de Richelieu levait alors des contributions énormes sur les