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Je serai bien stupéfait si on veut écouter à Versailles des propositions du roi de Prusse ; ce qu’on y craint le plus, après le feu roulant, c’est de donner le plus léger ombrage à l’impératrice. On ne peut plus séparer ce qu’un moment a uni. Le roi de Prusse peut encore donner une bataille, dire des bons mots, plaire aux vaincus, et déchirer des draps pour faire des bandages aux blessés ; c’est ce qu’il fit le 5 novembre au soir ; mais, à la fin, il faut qu’il succombe, à moins qu’on ne se conduise comme en 1742. Je ne sais encore nulle nouvelle positive de la fidélité des Hanovriens et des Hessois ; mais il est bien sûr que, sans les Autrichiens, nous serions perdus.

Qui aurait dit au cardinal de Richelieu que les Français devraient un jour leur salut en Allemagne aux armes autrichiennes, l’eût bien étonné. Cosi va il mondo. Fan lega ogni, re, papi, imperadori ; doman saranno capitali nemici.


3476. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, 7 décembre.

Vous avez su, mon ancien ami, comment les Français ont été vengés par les Autrichiens. Dix-sept ponts jetés en un moment sur l’Oder, des retranchements attaqués en treize endroits à la fois, une victoire aussi complète que sanglante, l’artillerie prussienne prise, Breslau bloquée : ce sont là des consolations et des encouragements. Il faut espérer que M. le duc de Richelieu réparera de son côté le malheur de M. de Soubise. Le roi de Prusse m’écrit toujours des vers en donnant des batailles ; mais soyez sûr que j’aime encore mieux ma patrie que ses vers, et que j’ai tous les sentiments que je dois avoir. Je n’ai point lu les rogatons pédantesques de je ne sais quel malheureux qui a voulu justifier le meurtre de Servet. Je sais seulement que ces écrits sont ici regardés avec mépris et avec horreur de tous les honnêtes gens sans exception. Comptez qu’il est heureux de vivre avec des magistrats qui vous disent : Nous détestons l’injustice de nos pères, et nous regardons avec exécration ceux qui veulent la justifier.

Vous voyez, mon ancien ami, quels progrès a faits la raison. C’est à ces progrès qu’on doit le peu d’effet des billets de confession et de vos dernières querelles. En d’autres temps elles auraient bouleversé le royaume.

J’ai lu et relu l’Éloge de Dumarsais, et je bénis la noble har-