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comme nos missionnaires vont chez eux, ils y auraient peuplé, et on les trouverait ailleurs que sur nos montagnes. J’avoue qu’il y a quelquefois des vérités bien peu vraisemblables ; par exemple, que vingt mille Prussiens aient battu quarante-cinq mille hommes, et n’aient eu que quatre-vingt-douze morts. La honte des Français et des Cercles devient encore plus humiliante, depuis que les Autrichiens viennent d’escalader, en treize endroits, les retranchements des Prussiens, sous les murs de Breslau, et de remporter une victoire complète[1]. Le comte de Daun nous venge et nous avilit. Le roi de Prusse m’avait écrit une lettre toute farcie de vers, trois[2] jours avant la bataille de Mersbourg ; il me disait :


Quand je suis voisin du naufrage,
Il faut, en affrontant l’orage,
Penser, vivre, et mourir en roi.


Nous verrons comment il soutiendra le revers de Breslau ; on pourra donner encore une ou deux batailles avant la fin de l’année.

Je vous envoie la lettre d’une folle que je ne connais pas ; il faut que quelqu’un se soit diverti à lui écrire sous mon nom. Comme il est question de vous à la fin de la lettre, et de M. de Vattel[3] votre ami, vous saurez peut-être quelle est cette extravagante. Mille tendres respects, je vous prie, à M. et à Mme de Freudenreich. Bonsoir, mon cher philosophe.

La folle a mis son portrait dans la lettre. Le voici ; elle est jolie. La connaissez-vous ? V.


3473. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 5 décembre.

Le petit Gayot[4], madame, ne nous apprend rien ; mais pourquoi ne m’apprenez-vous pas que, le 22, les serviteurs de Marie-Thérèse ont attaqué, en treize endroits, les retranchements des Prussiens sous Breslau, les ont tous emportés, et ont gagné une

  1. Le 22 novembre précédent.
  2. Lisez vingt-sept. — Par la bataille de Mersbourg, Voltaire désigne ici celle du 5 novembre 1757 ; le village de Rosbacb étant à peu de distance de la ville de Mersbourg ou Mersebourg.
  3. Emmerich de Vattel, publiciste, né en 1714, à Couvet, village du Val-de-Travers, dans le canton de Neufchâtel.
  4. Voyez une note sur la lettre 2642.