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Au reste le roi de Prusse savait bien que je ne voulais pas rester là toute ma vie ; et ce fut la source secrète des noises. Si vous pouviez avoir une conversation avec l’homme en question[1], il me semble que la bonté de votre cœur donnerait un grand poids à toutes ces raisons ; vous détruiriez surtout le soupçon qu’on paraît avoir conçu que je m’intéresse encore à celui dont j’ai tant à me plaindre.

Enfin à quoi se borne ma demande ? À rien autre chose qu’à une simple politesse, à un mot d’honnêteté qu’on me doit d’autant plus que c’est vous qui m’avez encouragé à écrire. Ne point répondre à une lettre dont on a pu tirer des lumières, c’est un outrage qu’on ne doit point faire à un homme avec qui on a vécu, et qu’on n’a connu que par vous.

Encore un mot, c’est que si on vous disait : « J’ai montré la lettre ; on ne veut pas que je réponde à un homme qui a conseillé, il y a six semaines, au roi de Prusse de s’accommoder », vous pourriez répondre que je lui ai conseillé aussi d’abdiquer plutôt que de se tuer comme il le voulait, et qu’il me répondit, cinq[2] jours avant la bataille :


Je dois, en affrontant l’orage,
Penser, vivre, et mourir on roi.


Tout cela est fort étrange. Je confie tout à votre amitié et à votre sagesse. Ma conduite est pure, vous la trouverez même assez noble. Le résultat de tout ceci, c’est que mon procédé avec votre ancien ami, ma lettre, et ma confiance, méritent ou qu’il m’écrive un mot, ou, s’il ne le peut pas, qu’il soit convaincu de mes sentiments, et qu’il les fasse valoir : voilà ce que je veux devoir à un cœur comme le vôtre.


3472. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 5 décembre.

Je crois que les Prussiens seraient bien plus capables de venir en France, mon très-cher philosophe, que les huîtres à l’écaille du Malabar d’être venues, comme vous le prétendez, sur l’Apennin ou les Alpes. Chaque science a son roman, et voilà celui de la physique. Si les poissons des Indes étaient arrivés chez nous,

  1. Bernis.
  2. Lisez vingt-sept jours.