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heur des Français, et applaudir à vos admirables actions, plaindre les vaincus et vous féliciter.

Je supplie Votre Majesté de daigner me faire parvenir une relation. Vous savez que depuis plus de vingt ans votre gloire en tout genre a été ma passion. Vos grandes actions m’ont justifié. Souffrez que je sois instruit des détails. Accordez cette grâce à un homme aussi sensible à vos succès qu’il l’a été à vos malheurs, qui n’a jamais cessé un moment de vous être attaché, malgré tous les géants dont on disséquerait la cervelle, et malgré la poix résine dont on couvrirait les malades.

Je ne sais si une âme exaltée prédit l’avenir. Mais je prédis que vous serez heureux, puisque vous méritez si bien de l’être,


3455. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
Aux Délices, novembre.

Mme Denis est malade, mon cher ami ; je lui lis, d’une voix un peu cassée, vos histoires amoureuses d’Egypte et de Syrie[1]. Vous faites nos plaisirs dans notre retraite. Mme Denis est, à la vérité, un peu paresseuse ; mais vous savez qu’une femme qui souffre sur sa chaise longue, au pied des Alpes, a peu de choses à mander ; c’est à vous, qui êtes au milieu du fracas de Paris, au centre des nouvelles et des tracasseries, à consoler les malades solitaires par vos lettres. Nous avons renoncé au monde ; mais nous l’aimerions si vous nous en parliez. Nous pensons qu’un homme qui écrit si bien les aventures syriaques et égyptiennes pourrait nous égayer beaucoup avec les parisiennes ; mais vous ne nous en dites jamais un mot. Cela refroidit le zèle de Mme Denis ; elle dit qu’elle s’intéresse presque autant à ce qui se passe entre Mersbourg et Weissenfeld qu’à ce qui s’est fait à Memphis. Nous sommes consternés de la dernière aventure. Ma nièce croyait que cinquante mille Français pourraient la venger des quatre baïonnettes de Francfort. Elle s’est trompée.

Elle vous fait mille tendres compliments ; et je vous renouvelle, du fond de mon cœur, les sentiments qui m’attachent à vous depuis si longtemps.

Nous avons une comédie nouvelle, que nous jouerons à Lausanne ; y voulez-vous un rôle ?

  1. Les Dangers des passions (par Thibouville), 1758 (fin 1757), deux volumes in-12. (B.)