Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils prennent tout l’argent qu’ils peuvent[1]. Les héros ressemblent toujours par un coin aux voleurs de nuit : ils vont droit au coffre-fort ; après quoi, ils étalent de grands sentiments. Je n’ai pas encore tiré bien au clair l’affaire de Berlin. Je ne sais si le général Hadish[2] aura pris dans cette ville autant d’argent que les Prussiens en ont tiré de Leipsick.

Au reste, je n’aurai de nouvelles des principaux personnages que dans un mois. On[3] a été si occupé qu’on a fait un quiproquo en cachetant. On m’a envoyé une lettre pour une autre. Cette méprise pourrait faire croire qu’on n’a pas l’esprit bien libre.


3444. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 5 novembre.

Je sais bien que quand on fait des marches savantes, quand on a quatre-vingt mille hommes et de grandes affaires, un héros ne répond guère à un pauvre diable de Suisse. Mais, en vérité, monseigneur, je vous ai mandé une anecdote assez singulière, assez intéressante, assez importante pour devoir me flatter que vous voudrez bien ne me pas laisser dans l’incertitude inquiétante si vous avez reçu ou non ma lettre. Les choses sont toujours dans le même état. On persiste dans la première résolution qu’on avait prise[4] : on dit qu’on l’exécutera si l’on est poussé à bout.

Je vous ai mandé que j’avais pris la liberté de conseiller qu’on s’adressât à vous préférablement à tout autre. Je vous demande en grâce au moins de mander, par un secrétaire, à votre ancien courtisan, le Suisse Voltaire, si vous avez reçu la lettre dans laquelle je vous faisais part d’une chose aussi singulière.

Mme Denis se porte toujours fort mal, et vous présente ses hommages, aussi bien que le solitaire votre admirateur, affligé de votre silence.


3445. — À M. TRONCHIN, DE LYON[5].
Délices, 7 novembre.

Je crois Leipsick secouru après avoir payé. Les Autrichiens y sont venus quelques jours trop tard. On est ivre de joie à Vienne

  1. Les Prussiens avaient mis à contribution Leipsick.
  2. Ou mieux Haddick, général autrichien qui pénétra dans Berlin, et mit aussi la ville à contribution.
  3. La margrave.
  4. Voyez la lettre 3402.
  5. Éditeurs, de Cayrol et François.