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pur, c’est une méchanceté réfléchie : j’avoue avec vous que l’auteur est un fou, mais c’est un fou très-dangereux. Il écrit une lettre de Lausanne contre les premiers ecclésiastiques et les premiers magistrats du pays : il me dit dans cette lettre que ceux qui me font l’honneur de venir chez moi écrivent à Berne contre moi. Il envoie sa lettre cachetée à un de ses parents à Berne, et le prie de mettre le dessus de la lettre. Ce parent se prête innocemment à cette manœuvre, dont il ne soupçonne pas la malignité. Ce sont de ces choses qu’on peut aisément savoir de M. Roberty, employé à la poste de Berne. Pour comble de perversité, ce brouillon a cacheté sa lettre d’un cachet surmonté de la lettre H, et a répandu lui-même dans Lausanne qu’un magistrat de Berne m’avait écrit une lettre de reproche. Mes amis m’ont conseillé d’écrire à M. de Haller, me flattant qu’il pourrait me mettre au fait de cette manœuvre, dans laquelle on semblait abuser de son nom, et qu’il en serait indigné. On m’avait dit qu’il avait quelque intendance sur les postes, et c’est cette raison qui me détermina à prendre la liberté de m’adresser à lui. Je n’osai pas lui expliquer ce que la lettre anonyme contenait ; je me contentai de lui parler en général, pour obtenir quelques éclaircissements. Je suis actuellement tout éclairci : je sais de quelle main ce trait infâme est parti, et je suis persuadé que vos magistrats ne souffriraient point qu’un homme écrivît de Lausanne des calomnies contre les premiers de Lausanne, et les envoyât par la poste de Berne pour faire croire que sa lettre est écrite par quelqu’un de ses souverains. Cet abus de toutes les lois et ce manque de respect à ses maîtres n’est pas tolérable. Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien communiquer ma lettre à M. de Freudenreich et à M. de Haller, Je sais qu’il y a bien des tracasseries à Lausanne, mais je ne m’en mêle point. Je n’ai été qu’une seule fois dans cette ville. On m’a dit que de jeunes ministres n’ont pas pour leurs anciens toute la considération qu’ils leur doivent ; que quelquefois même ils prêchent les uns contre les autres ; mais ce n’est pas à moi à prendre connaissance de ces petits scandales. Un malade doit se tenir au coin de son feu, et un étranger doit se taire.

Bonsoir, mon cher philosophe religieux et humain. Mille respects, je vous en prie, à M. le banneret de Freudenreich et à M. le Baron de Haller.