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Je vous avouerai que le roi de Prusse était, il y a quinze jours, très-loin de se prêter à une telle soumission. Il était dans des sentiments extrêmes et bien opposés ; mais ce qu’il ne voulait pas hier, il peut le vouloir demain ; je n’en serais pas surpris, et, quelque parti qu’il prenne, il ne m’étonnera jamais.

Peut-être que la personne principale dont je vous parle ne voudrait pas conseiller une nouvelle démarche à madame la margrave ; peut-être cet homme sage craindrait que ceux qui ne sont pas de son avis dans le conseil l’accusassent d’avoir engagé cette négociation pour faire prévaloir l’autorité de ses avis et de sa sagesse ; peut-être verrait-il à cette entremise des obstacles qu’il est à portée d’apercevoir mieux que personne ; mais s’il voit les obstacles, il voit aussi les ressources. Je conçois qu’il ne voudra pas se compromettre ; mais si, dans vos conversations, vous lui expliquez mes idées mal digérées, s’il les modifie, si vous entrevoyez qu’il ne trouvera pas mauvais que j’insiste auprès de madame la margrave, et même auprès du roi son frère, pour les engager à se remettre en tout à la discrétion du roi, alors je pourrais écrire avec plus de force que je n’ai fait jusqu’à présent. J’ai parlé au roi de Prusse, dans mes lettres, avec beaucoup de liberté : il m’a mis en droit de lui tout dire ; je puis user de ce droit dans toute son étendue, à la faveur de mon obscurité. Il m’écrit par des voies assez sûres ; j’ose vous dire que, si ces lettres avaient été prises, il aurait eu cruellement à se repentir. Je continue avec lui ce commerce très-étrange ; mais je lui écrirai ce que je pense avec plus de fermeté et d’assurance, si ce que je pense est approuvé de la personne dont vous approchez. Vous jugez bien que son nom ne serait jamais prononcé.

Je sais bien qu’après les procédés que le roi de Prusse a eus avec moi, il est fort surprenant qu’il m’écrive, et que je sois peut-être le seul homme à présent qu’il ait mis dans la nécessité de lui parler comme on ne parle point aux rois ; mais la chose est ainsi. C’est donc à vous, mon cher monsieur, à développer à l’homme respectable dont il est question ma situation et mes sentiments avec votre prudence et votre discrétion ordinaires. Je n’ai besoin de rien sur la terre que de santé ; toute mon ambition se borne à n’avoir pas la colique, et je crois que le roi de Prusse serait très-heureux s’il pensait comme moi.


BILLET SEPARÉ.

J’ai quelque envie de jeter au feu la lettre que je viens de vous écrire ; mais on ne risque rien en confiant ses châteaux en