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3433. — À M. VERNES[1]i.
À Lausanne, ce 18…

Je vous remercie, mon cher ami, de la belle catéchèse. Je vous prie de pousser la bonté d’âme jusqu’à dire que je suis très-content, et que surtout j’admire la modération avec laquelle elle est écrite.

Je ne crois pas qu’avant Charles-Quint, François 1er et Henri VIII, on ait connu une balance politique. Le premier modèle de cette balance peut se trouver en Grèce, dans les guerres des Athéniens, des Spartiates et des Thébains. Mais ce système ne sortit point de la Grèce, et il ne paraît pas qu’on l’ait suivi contre les Romains, qui mangèrent les nations une à une, sans qu’il y eût de véritables ligues formées pour arrêter ces brigands. Personne ne songea à établir une balance contre le tyran Karl, surnommé Magne. Enfin, je ne vois cette politique bien clairement établie que par les Médicis en Italie, et par Henri VIII dans une grande partie de l’Europe.

Continuez l’histoire de votre patrie ; ce travail vous fera beaucoup d’honneur. Vous avez raison de dire que Calvin joue le rôle de Cromwell dans l’affaire de l’assassinat de Servet. Hélas ! ce pauvre Servet avait déclaré nettement que la divinité habitait en Jésus-Christ, et plus nettement qu’on ne le déclare aujourd’hui. Puisse l’Être éternel faire miséricorde à Jehan Chauvin de Noyon, en Picardie, pour un si grand crime !


3434. — À M. TRONCHIN, DE LYON[2].
Lausanne, 20 octobre.

Votre amitié, monsieur, et votre probité éclairée me fortifient contre la répugnance que j’aurais naturellement à communiquer des idées qui peut-être sont très-hasardées ; je vous les soumets avec confiance.

Il n’a tenu qu’à moi, il y a près de deux ans, d’accepter du roi de Prusse des biens dont je n’ai pas besoin, et ce qu’on appelle des honneurs, dont je n’ai que faire. Il m’a écrit en dernier lieu avec une confiance que je juge même trop grande et dont je n’abuserai pas. Madame la margrave m’étonnerait beaucoup si elle faisait le voyage de Paris ; elle était mourante il y a quinze

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Éditeurs de Cayrol et François.