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vous ? Je vous serais très-obligé de m’en instruire. J’aime encore mieux des mémoires sur ce qui vous regarde que sur l’empire de Russie ; cependant, puisque vous avez encore quelques anecdotes sur ce pays-là, je vous serai aussi fort obligé de vouloir bien m’en faire part. J’ai reçu votre paquet contre-signé Bouret : cette voie est prompte et sûre. Je m’amuserai dans ma douce retraite avec l’empire de Russie, et je verrai en philosophe les révolutions de l’Allemagne, tandis que vous formerez de bons officiers dans l’École militaire. M. Duverney doit être déjà bien satisfait des succès de cet établissement, par lequel il s’immortalise. Il faut qu’il travaille et qu’il soit utile jusqu’au dernier moment de sa vie. Je me flatte que la vôtre est heureuse, que votre emploi vous laisse du loisir, et que vous ne vous repentez pas d’avoir quitté les bords de la Sprée. Il ne reste plus là que ce pauvre d’Argens ; je le plains, mais je plains encore plus son maître. Mon jardin est beaucoup plus agréable que celui de Potsdam, et heureusement on n’y fait point de parade. Je me laisse aller, comme je peux, au plaisir de m’entretenir avec vous sans beaucoup de suite, mais avec le plaisir qu’on sent à causer avec son compatriote et son ami. Il me semble que nous nous retrouvons ; je crois vous voir et vous entendre. Conservez votre amitié au Suisse Voltaire.


3428. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 5 octobre.

Voilà qui est plaisant, mon cher ange ! M. Darget m’envoie un manuscrit[1] que le roi de Prusse fit rédiger pour moi, il y a près de vingt ans, et dont j’ai déjà fait usage dans les dernières éditions de Charles XII. Je ne lui en suis pas moins obligé. Il me promet quelques autres anecdotes que je ne connais pas. C’est donc vous qui vous mettez à favoriser l’histoire, et qui faites des infidélités au tripot ? Je vous renouvelle la prière que je vous ai faite par ma précédente ; et cette prière est d’attendre. Laissons Iphigénie en Crimée[2] reparaître avec tous ses avantages ; ne nous présentons que dans les temps de disette ; ne nous prodiguons point, il faut qu’on nous désire un peu. Eh bien ! ce M. de Gotter

  1. Voyez la lettre 790 de Frédéric à Voltaire, du 13 novembre 1737 ; il y est question d’une histoire manuscrite du czar.
  2. Iphigénie en Tauride, dont la reprise eut lieu, à la Comédie française, dans la première quinzaine de décembre 1757.