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d’un bel exemple ; cependant, si vous jugez que cette anecdote doive être supprimée, je la sacrifierai très-aisément. Vous savez, monsieur, que mon principal objet est de raconter tout ce que Pierre Ier a fait d’avantageux pour sa patrie, et de peindre ses heureux commencements qui se perfectionnent tous les jours sous le règne de son auguste fille.

Je me flatte que vous voudrez bien rendre compte de mon zèle à Sa Majesté, et que je continuerai avec son agrément. Je sens bien qu’il doit se passer un peu de temps avant que je reçoive les mémoires que vous avez eu la bonté de me destiner. Plus j’attendrai, plus ils seront amples. Soyez sûr, monsieur, que je ne négligerai rien pour rendre à votre empire la justice qui lui est due. Je serai conduit à la fois par la fidélité de l’histoire et par l’envie de vous plaire. Vous pouviez choisir un meilleur historien, mais vous ne pouviez vous confier à un homme plus zélé. Si ce monument devient digne de la postérité, il sera tout entier à votre gloire, et j’ose dire à celle de Sa Majesté l’impératrice, ayant été composé sous ses auspices. J’ai l’honneur, etc.

P. S. M. de Wetslof m’a dit que Votre Excellence voulait envoyer quatre jeunes Russes étudier dans le pays que j’habite. Lausanne est bien moins chère que Genève, et je me chargerai de les établir à Genève avec tout le zèle et toute l’attention que méritent vos ordres.

Nota. Il paraît important de ne point intituler cet ouvrage Vie ou Histoire de Pierre Ier ; un tel titre engage nécessairement l’historien à ne rien supprimer. Il est forcé alors de dire des vérités odieuses ; et s’il ne les dit pas, il est déshonoré sans faire honneur à ceux qui l’emploient. Il faudrait donc prendre pour titre, ainsi que pour sujet, la Russie sous Pierre Ier ; une telle annonce écarte toutes les anecdotes de la vie privée du czar qui pourraient diminuer sa gloire, et n’admet que celles qui sont liées aux grandes choses qu’il a commencées et qu’on a continuées depuis lui. Les faiblesses ou les emportements de son caractère n’ont rien de commun avec ces objets importants, et l’ouvrage alors concourt également à la gloire de Pierre le Grand, de l’impératrice sa fille, et de sa nation. On travaillera sur ce plan avec l’agrément de Sa Majesté, qui est nécessaire.