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auriez vu l’illustre et saint oncle[1], qui vous aurait donné mille préservatifs contre les poisons du pays hérétique où je suis ; et plût à Dieu que M. d’Argental vous eût accompagnée ! Mais je ne suis pas heureux. Je ne sais pas positivement quel est votre mal, mais je crois très-positivement que M. Tronchin vous aurait guérie ; enfin, je suis réduit à souhaiter que Plombières fasse ce que Tronchin aurait fait.

Nous avons presque tous les jours, dans notre ermitage, des nouvelles des succès qu’on obtient du Dieu des armées en Bohême contre mon ancien et étrange Salomon du Nord. On lui prend toujours quelque chose. Cependant il reste en Bohême, il y est cantonné, il est toujours maître de la Saxe et de la Silésie. Que m’importe tout cela, madame, pourvu que vous vous portiez bien ? Soyez heureuse, et ne vous embarrassez pas qui est roi et qui est ministre. Pour moi, j’oublie tous ces messieurs aussi parfaitement que je me souviendrai toujours de vous. Retournez à Paris bien saine et bien gaie ; ayez beaucoup de plaisir, si vous pouvez, et jamais d’ennui. Amusez-vous de la vie, il faut jouer avec elle ; et quoique le jeu ne vaille pas la chandelle, il n’y a pourtant pas d’autre parti à prendre. Vous avez encore un des meilleurs lots dans ce monde. Je ne sais de triste dans mon lot que d’être éloigné de vous. Daignez m’en consoler en conservant vos bontés au Suisse V.


3390. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 6 août.

Madame, vous avez eu la consolation de voir monsieur votre fils : mais où va-t-il ? où est-il ? Pardonnez à mes questions, et souffrez l’intérêt que j’y prends. On dit à Paris que le maréchal de Richelieu va prendre le commandement de l’armée du maréchal d’Étrées, et j’en doute. On dit que ce maréchal d’Étrées a gagné une bataille le 26 juillet[2], et j’en doute encore. Les affaires du roi de Prusse paraissent bien mauvaises. On ne parle que de postes emportés par les Autrichiens, de convois coupés, de magasins pris. On ajoute que les officiers prussiens désertent, et que le roi de Prusse en a fait arquebuser quarante pour s’attacher les autres davantage ; on dit qu’il a fait mettre en prison un prince d’Anhalt[3]. On me mande de l’armée autrichienne que le

  1. Le cardinal de Tencin.
  2. Voyez une note de la lettre 3367.
  3. Maurice d’Anhalt.