Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent ce prince, qui avait toute la bonté du caractère de sa mère.

Les affaires publiques ont bien changé, madame, depuis deux mois, et changeront peut-être encore. Il en résulte qu’il y aura plus de morts, et plus de vivants malheureux. Je me flatte toujours que les États de Votre Altesse sérénissime seront préservés des fléaux qui désolent tant d’autres. Votre sagesse et votre modération feront toujours votre bonheur et celui de vos sujets, tandis que l’ambition fait ailleurs tant d’infortunés.

Je ne sais si M. de Thun, qui avait l’honneur d’élever monseigneur le prince héréditaire, a celui d’être en correspondance avec Votre Altesse sérénissime. Il paraît qu’il a un poste de confiance à Paris. La reine, mère du roi de Prusse, a été regrettée généralement. L’impératrice a fait son éloge. C’était, en effet, une princesse pleine d’humanité et de douceur. Il faut avouer qu’en fait de bonté d’âme les hommes ne valent pas les femmes ; elles paraissent créées pour adoucir les mœurs du genre humain, et elles sont la plus belle preuve du meilleur des mondes possibles. La grande maîtresse des cœurs et moi nous savons bien à qui nous pensons, quand nous parlons de la meilleure des princesses possibles. Je la supplie de recevoir, avec sa bonté ordinaire, mon profond respect, et je demande la même grâce à toute son auguste famille.


3389. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 1er août.

J’aurais bien voulu, madame, être le porteur de ma lettre ; quelque arrêt qu’ait rendu notre grand docteur Tronchin contre les eaux de Plombières, je serais venu au moins vous les voir prendre. Vous savez quel serait l’empressement de vous faire ma cour ; mais je ne suis pas comme vous, madame, je ne me porte pas assez bien pour faire cent lieues. Mme Denis, que je comptais vous amener, s’est trouvée aussi malade, et n’a pu s’éloigner de notre docteur, en qui est notre salut. J’ai un double regret, celui de n’avoir point fait le voyage de Plombières, et celui de voir que vous n’avez pas donné la préférence à Tronchin, qui engraisse les dames, sur des eaux chaudes qui les amaigrissent. Ah ! madame, que n’êtes-vous venue à Genève ! que n’ai-je pu vous recevoir dans mon petit ermitage ! Vous auriez passé par Lyon, vous