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3387. — À M. TRONCHIN, DE LYON[1].
Délices, 29 juillet.

J’ai une grâce à vous demander ; c’est pour les Pichon. Ces Pichon sont une race de femmes de chambre et de domestiques, transplantée à Paris par Mme Denis et consorts. Un Pichon vient de moriir à Paris, et laisse de petits Pichon. J’ai dit qu’on m’envoyât un Pichon de dix ans pour l’élever ; aussitôt un Pichon est parti pour Lyon. Ce pauvre petit arrive, je ne sais comment ; il est à la garde de Dieu. Je vous prie de le prendre sous la vôtre. Cet enfant est ou va être transporté de Paris à Lyon par le coche ou par charrette. Comment le savoir ? où le trouver ? J’apprends par une Pichon des Délices que ce petit est au panier de la diligence. Pour Dieu, daignez vous en informer ; envoyez-le-nous de panier en panier ; vous ferez une bonne œuvre. J’aime mieux élever un Pichon que servir un roi ; fût-ce le roi des Vandales[2].

Vous savez la prise de Gabel et du beau régiment le vieux Wurtenberg à parements noirs : plus, cinq cents housards prisonniers. Si on prend Gôrlitz, qui est au delà de Gabel, on est en Silésie ; cependant l’ennemi est toujours en Bohême. On se livre dans Vienne à une joie folle ; on chante les chansons du pont Neuf sur le roi de Prusse.


3388. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[3].
Aux Délices, 30 juillet 1757.

Madame, les lettres vont toujours comme les armées ; tout arrive, et je me flatte que les bataillons et les escadrons dont l’Allemagne est remplie n’empêcheront point mes hommages de parvenir aux pieds de Votre Altesse sérénissime.

M. le maréchal de Richelieu a voulu que je l’allasse voir sur la frontière. Je l’aurais accompagné volontiers s’il avait été en ambassade à Gotha ; mais son voyage n’étant point du tout pacifique, et ma passion de voyager n’étant que pour votre cour, je suis resté dans mon petit ermitage des Délices, où je conserve précieusement un banc qu’avait fait faire le prince votre fils, d’où l’on voit le lac et le Rhône, et sur lequel je regrette

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Frédéric II.
  3. Éditeurs, Bavoux et François.