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peut-être une des plus grandes preuves des progrès de la philosophie dans ce siècle. Laissez-la faire, et, dans vingt ans, la Sorbonne, toute Sorbonne qu’elle est, enchérira sur Lausanne. Nous recevrons avec reconnaissance tout ce qui nous viendra de la même main. Nous demandons seulement permission à votre hérétique de faire patte de velours dans les endroits où il aura un peu trop montré la griffe ; c’est le cas de reculer pour mieux sauter. À propos, vous faites injure au chevalier de Jaucour de mettre sur son compte l’article Enfer ; il est de notre théologien, docteur et professeur de Navarre[1], qui est mort depuis à la peine, et qui sait actuellement si l’enfer de la nouvelle loi est plus réel que celui de l’ancienne. Au reste, cet article Enfer n’est pas sans mérite : l’auteur y a eu le courage de dire qu’on ne pouvait pas prouver l’éternité des peines par la raison ; cela est fort pour un sorboniste.

Sans doute nous avons de mauvais articles de théologie et de métaphysique ; mais, avec des censeurs théologiens et un privilège, je vous défie de les faire meilleurs. Il y a d’autres articles, moins au jour, où tout est réparé. Le temps fera distinguer ce que nous avons pensé d’avec ce que nous avons dit. Vous serez, je crois, content de notre septième volume, qui paraîtra dans deux mois au plus tard[2].

Les affaires de Bohême ont bien changé de face depuis un mois. Voilà, je crois, ma pension à tous les diables ; mais j’en suis d’avance tout consolé. Si la guerre dure, je ne réponds pas que celles[3] du trésor royal soient mieux payées.


3383. — À M. D’ALEMBERT.
Aux Délices, 23 juillet.

Voici encore de la besogne de mon prêtre. Je ne me soucie guère de Mosaïm, pas plus que de Chérubim. Si mon prêtre vous ennuie, brûlez ses guenilles, mon illustre ami.

Le maréchal de Richelieu a l’air d’aller couper le poing du payeur de la pension[4] berlinoise. Prenez vos mesures ; tout ceci va mal. Il n’y a que quelque énorme sottise autrichienne ou française[5] qui puisse sauver mon ancien disciple. Je lui ai écrit[6] sur la mort de sa mère. J’ai peur qu’il ne soit dans le cas de recevoir plus d’un compliment de condoléance. Pour vous, mon cher philosophe, il ne faudra jamais vous en faire ; vous serez

  1. Edme Mallet, né à Melun en 1713, mort à Paris le 25 septembre 1755.
  2. Ce volume de l’Encyclopédie ne parut qu’en novembre 1757.
  3. Allusion à la pension dont Voltaire fut toujours très-mal payé par le trésor royal. (Cl.)
  4. Cette pension, accordée par Frédéric à d’Alembert, était de 1,200 livres.
  5. Le prince de Soubise se chargea de commettre cette énorme sottise le 5 novembre suivant. (Cl.)
  6. Cette lettre est une de celles qui sont perdues. (B.)