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3378. — À M. LE MARQUIS DE COURTIVRON.
Aux Délices, 12 juillet.

Monsieur, vous savez qu’il faut pardonner aux malades ; ils ne remplissent pas leurs devoirs comme ils voudraient. Il y a longtemps que je vous dois les plus sincères remerciements de votre lettre obligeante et instructive.

Je commence par vous prier de vouloir bien faire souvenir de moi M. le comte de Lauraguais[1] ; je ne savais pas qu’il fût aussi chimiste. Le sujet de ses deux Mémoires est bien curieux. Non-seulement il est physicien, mais il est inventeur. On lui devra une opération nouvelle.

À regard de Constantin, je vous répondrai que, si je ne m’étais pas imposé une autre tâche, celle-là me plairait beaucoup ; mais on serait obligé de dire des vérités bien hardies, et de montrer la honte d’une révolution qu’on a consacrée par les plus révoltants éloges.

Il est vrai que, dans les états généraux, les députés de la noblesse mettaient un moment un genou en terre ; il est vrai aussi que les usages ont toujours varié en France : ce sont des fantômes que le pouvoir absolu a fait disparaître. Ce que vous me dites des chapitres de Bourgogne, de Lorraine, et de Lyon, fait voir que les usages de l’empire ont plus longtemps subsisté que ceux de France. La Lorraine, la Comté, et tout ce qui borde le Rhône, étaient terre d’empire.

À l’égard de la petite anecdote sur le premier président de Mesmes[2], il est très-vrai que l’abbé de Chaulieu le régala de ce petit couplet :


Juge, qui te déplaces,
Courtisan berné,
Des grands Duc tu lasses
Jouet obstiné,
Sur notre Parnasse
Le laurier d’Horace
T’est donc destiné.

  1. Voyez tome V, papes 405 et 406.
  2. Jean-Antoine de Mesmes, né en 1664, reçu à l’Académie en 1710, mort en 1723. D’Alembert, dans son Éloge du président de Mesmes, rapporte la pièce entière dont Voltaire ne cite que sept vers, et l’attribue à J.-B. Rousseau, contre lequel Danchet fit alors le couplet qu’on peut voir tome XXII, page 335.