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fasse semblant de prendre les eaux ; mais, s’il y va, il sera le second objet de mon voyage. Ce sera apparemment sur la fin d’août, à la seconde saison, que Mme d’Argental ira boire. Je me flatte que ma santé, toute faible qu’elle est, mes travaux qui ne sont que petits, et les soins de la campagne, me permettront cette excursion hors de ma douce retraite.

Je n’ai point encore reçu la Vie de monsieur Damiens dont vous m’aviez flatté, mais je viens d’en lire un exemplaire qu’on m’a prêté. L’ouvrage est bien ennuyeux ; mais il y a une douzaine de traits singuliers qui sont assez curieux : au bout du compte, cet abominable homme n’était qu’un fou.

Vous n’êtes pas trop curieux, je crois, de nouvelles allemandes ; et comme vous ne m’en dites jamais de françaises, je devrais vous épargner mes rogatons tudesques. Cependant je veux bien que vous sachiez que, dans la pauvre armée du comte de Daun, il y a treize mille hommes qui n’ont ni culottes ni fusils, et que l’impératrice leur en fait faire à Vienne. En attendant, ils montrent leur cul au roi de Prusse ; mais il y a cul et cul. À l’égard de ceux qui sont dans Prague, mal nourris de chair de cheval, je ne sais pas ce qu’on en fera. Il n’y a pas d’apparence que le prince Charles imite la retraite des dix mille du maréchal de Belle-Isle. Le pain n’est pas à bon marché dans votre armée de Vestphalie. Vous me croyiez un auteur tragique[1], et je ne suis qu’un gazetier. Mon très-cher ange, je vous aime de tout mon cœur, et je me dépite bien souvent d’être si loin de vous.


3374. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 2 juillet.

Qui ! moi, que je me donne avec mon héros le ridicule de parler de ce qui n’est pas de mon métier ? Non assurément, je n’en ferai rien. Si vous avez envie d’avoir le modèle en question, envoyez vos ordres. Faites prier de votre part, ou Florian[2]é, ou Montigny[3] de l’Académie des sciences, de venir chez vous. Tous deux ont travaillé à cette machine. Elle est toute prête. C’est à mon héros à en juger, et ce n’est pas à moi chétif à l’ennuyer

  1. La Correspondance littéraire de Grimm et Diderot, en mai 1757, parle d’une tragédie de Saladin, dont s’occupait, disait-on, Voltaire ; mais il n’en existe aucune trace.
  2. Voyez lettre 3252.
  3. Voyez ci-dessus, lettre 3097.