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pour le temps de nos spectacles ; les Délices sont pour le temps des fleurs et des fruits. Ce n’est pas mal partager sa vie pour un malingre.

M. Tronchin dit que vous êtes fort contente de votre santé, et se vante toujours de la mienne ; mais c’est une gasconnade.

Votre sœur est actuellement tout occupée des meubles pour la maison du Chêne. Elle insiste beaucoup sur une boule de lustre qu’elle prétend vous avoir demandée. Elle sera occupée en hiver de ses habits de théâtre. Nous espérons que vous viendrez voir encore nos douces retraites : elles valent bien la vie de Paris, quand on a passé le temps des premières illusions ; et, en vérité, Paris n’a jamais été moins regrettable qu’aujourd’bui.

Je suis toujours en peine des succès du char assyrien[1]. Il y a certaines plaines dans le monde où il ferait un effet merveilleux. Je m’y intéresse plus qu’à Fanime[2].

Si vous voulez vous amuser, conduisez cette Fanime avec le fidèle d’Argental. Encore une fois, tout ce que je souhaite, c’est que Mlle Clairon soit aussi touchante dans ce rôle que l’a été Mme Denis, Si la pièce est bien jouée, elle pourra amuser votre Paris, tout autant que l’histoire de monsieur[3] Damiens, que le parlement va donner au public en trois[4] volumes in-4o.

Vous ferez comme il vous plaira avec Lekain et Clairon pour l’impression, si on imprime cette élégie amoureuse en dialogues : car, après tout, Fanime n’est que cela ; mais de l’amour est quelque chose.

Il y a donc un Pagnon[5] de moins sur le globe. Ces gros petits crapoussins-là s’imaginent qu’il n’y a qu’à boire et manger ; ils crèvent comme des mouches, et nous maigrelets, nous vivons.

Vivez, aimez-moi. Mille compliments à frère, à fils, au conducteur du char d’Assyrie.

Bonjour.

  1. Voyez lettre 3252.
  2. Voltaire a donné à la même pièce les titres de Zulime, Fanime, Médime.
  3. Voyez une note de la lettre 3347.
  4. Les Pièces originales du procès fait à Damiens, publiées, en 1757, par Le Breton, greffier criminel du parlement de Paris, sont en un vol. in-4o, et en quatre vol. in-12.
  5. Son vrai nom était Paignon. Ce membre de la famille, dont il est question dans la lettre 795, était secrétaire du roi depuis 1722.