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une maladie à laquelle toute autre constitution eût succombé. Personne au monde n’est plus digne d’une longue vie. Il a employé la sienne à nous fournir les meilleurs secours pour la connaissance de l’antiquité. La plupart de ses ouvrages ne sont pas seulement de bons livres, ce sont des livres dont on ne peut se passer. Je vous prie, monsieur, de vouloir bien lui dire qu’il n’y a personne au monde qui ait pour lui plus d’estime que moi.


3369. — M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 18 juin.

Il est bien vrai que mon cher d’Argental, le grand amateur du tripot, devait montrer à mon héros certain histrionage ; mais vraiment, monseigneur, vous avez d’autres troupes à gouverner que celle de Paris, et ce n’est pas le temps de vous parler de niaiseries.

Je voudrais bien pouvoir faire incessamment un petit voyage vers l’Alsace ou dans le Palatinat. Je n’aime plus à voyager que pour avoir la consolation de voir mon héros ; mais vous ne sauriez croire combien je suis devenu vieux. Toutes mes misères ont augmenté, et un apothicaire est beaucoup plus nécessaire à mon être qu’un général d’armée. J’espère cependant que les grandes passions, qui font faire de grands efforts, me donneront du courage.

Donnez-vous le plaisir, je vous en prie, de vous faire rendre compte par Florian[1] de la machine dont je lui ai confié le dessin. Il l’a exécutée ; il est convaincu qu’avec six cents hommes et six cents chevaux on détruirait en plaine une armée de dix mille hommes.

Je lui dis mon secret au voyage qu’il fit aux Délices l’année passée. Il en parla à M. d’Argenson, qui fit sur-le-champ exécuter le modèle. Si cette invention est utile, comme je le crois, à qui peut-on la confier qu’à vous ? Un homme à routine, un homme à vieux préjugés, accoutumé à la tiraillerie et au train ordinaire, n’est pas notre fait. Il nous faut un homme d’imagination et de génie, et le voilà tout trouvé. Je sais très-bien que ce n’est pas à moi de me mêler de la manière la plus commode de tuer des hommes. Je me confesse ridicule ; mais enfin, si un moine[2], avec

    père dom Augustin Calmet, abbé de Senones ; 1762, in-8o. Cette Vie est de dom Augustin Fangé, son neveu, qui était né au commencement du xviiie siècle. (B.)

  1. Voyez lettre 3355.
  2. Voyez tome XII, page 19.