Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Présentez, je vous prie, mes applaudissements et mes remerciements à Gamache le riche[1], qui fait de si belles noces. Il donne de grands exemples, qui seront peu imités peut-être par ses cinquante-neuf confrères. Je suis très-flatté que mon fatras historique ne lui ait pas déplu. Il est bon juge en prose comme en vers, par la raison qu’il est bon faiseur. Son suffrage m’encouragera beaucoup à fortifier cet Essai de bien des choses qui lui manquent. Les Cramer se sont trop pressés de l’imprimer. On ne sait pas à quel point le genre humain est sot, méchant, et fou ; on le verra, s’il plaît à Dieu, dans une seconde édition.

Vous me dites que cet Essai a trouvé grâce devant Mme d’Aiguillon et de Sandwich. La dernière est sans aucun préjugé, la première n’en a que sur le grand-oncle de son oncle ; elle devrait bien m’en croire sur ce maudit Testament. J’ai examiné tous les testaments, j’y ai passé ma vie, je sais ce qu’il en faut penser.

Ce qu’on m’avait dit de l’atroce[2] est une mauvaise plaisanterie qu’on a voulu faire à deux bonnes gens à qui on prétendait faire accroire qu’ils devaient pleurer sur leur patriarche ; mais ils l’ont abandonné comme les autres. Nos calvinistes ne sont point du tout attachés à Calvin. Il y a ici plus de philosophes qu’ailleurs. La raison fait, depuis quelque temps, des progrès qui doivent faire trembler les ennemis du genre humain. Plût à Dieu que cette raison pût parvenir jusqu’à faire épargner le sang dont on inonde l’Allemagne ma voisine !

P. S. J’arrive aux Délices. Il faut que je vous dise un mot de Jeanne. Je vous répète que cette bonne créature n’est connue de personne ; elle nous amusera sur nos vieux jours. Je n’y pense guère à présent. Il faut songer à son jardin et au temporel. Malheureusement, cela prend un temps bien précieux. Je vous embrasse de tout mon cœur.


3365. — À M. TRONCHIN, DE LYON[3].
Aux Délices, 4 juin.

Je ne suis pas fâché que les Anglais soient punis en Hanovre. Ils ont été assassins en Amérique, pirates sur mer, receleurs sur le Gange. Ils méritaient bien quelque petit châtiment. Pour les

  1. Gamache le riche, l’un des personnages du Don Quichotte, désigne ici Leriche de La Popelinière, qui, tous les ans, mariait quelques jeunes filles, et les gratifiait d’une légère dot. (B.)
  2. Voyez lettre 3340.
  3. Revue suisse, 1855, page 409.