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Je vous ai ennuyé plus que de raison. Pardonnez ce griffonnage ; je vous ai écrit fort à la hâte et avec crainte. N’oubliez pas un homme qui vous sera attaché toute sa vie. Schœpflin vous dira que je voudrais pouvoir quitter les bords de ce lac à la première occasion. S’il se présente quelque chose, cher ami, ne m’oubliez pas : vous ne sauriez croire combien je vous serai obligé, et combien mon esclavage est dur. Je présente mes tendres respects à Mme Dupont. Adieu : recommandez-moi à ceux qui ont quelque bonté pour moi. Je vous serai tendrement et inviolablement attaché toute ma vie.

Colini.

3139. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, près de Genève, ce 22 mars.

Madame, voici une petite aventure qui n’est qu’une bagatelle, mais qui me devient importante et pour laquelle j’ai recours au cœur noble et généreux de Votre Altesse sérénissime. Elle se souvient peut-être que j’achevai, dans mon heureux séjour à Gotha, un petit poëme sur la Religion naturelle, que j’avais commencé et esquissé à Berlin pour le roi de Prusse. Je le finis à vos pieds, et je l’adressai à celle dont les bontés me sont si chères et le suffrage si précieux. Mme la margrave de Baireuth a répandu, depuis quelques mois, des copies de l’ouvrage, tel qu’il était, quand je l’avais donné au roi son frère. Enfin, j’apprends que l’ouvrage est imprimé à Paris ; il est plein de fautes, et, ce qu’il y a de plus triste pour moi, c’est qu’il n’est point adressé à cette adorable princesse que j’appelais, avec tant de raison,


Souveraine sans faste, et femme sans faiblesse.


C’est avec le nom du roi de Prusse qu’il paraît. Je ne sais s’il conviendrait à présent que je fisse réimprimer l’ouvrage dédié à un autre qu’au roi de Prusse : cet hommage ne serait d’aucun prix pour Votre Altesse sérénissime, et déplairait peut-être à un roi qui est votre voisin. Je ne sais de plus s’il conviendrait que la descendante d’Ernest le Pieux adoptât ce que le roi de Prusse, un peu moins pieux, peut adopter. J’ignore si Votre Altesse sérénissime souffrirait que la dédicace fût commune à vous et à lui. Vous savez, madame, combien le sujet est délicat, et je pense que Votre Altesse sérénissime souhaitera que son nom ne paraisse qu’à la tête de cet ouvrage, qui ne pourra être une source de

  1. Éditeurs, Bavoux et François.