lui un violent parti dans la Pologne même, et que les Turcs pourraient bien empêcher les Russes de se mêler des affaires de l’Allemagne. Le comte d’Étrées vient d’être fait maréchal de France, avec sept autres. Le scélérat Damiens n’est pas encore jugé. Les malheurs de la Saxe produisent des banqueroutes dans toute l’Europe : j’en ai essuyé une violente ; les petits souffrent des querelles des grands. Recevez, madame, mon profond respect, et pardonnez au papier.
Madame, que Votre Altesse royale daigne me conserver ses bontés ; que Dieu la préserve des Russes, et moi chétif des glaces de Pétersbourg ! J’ai été tenté, un jour qu’il faisait un beau soleil, d’aller voir, l’été prochain, cette capitale d’un empire nouveau dont on veut que j’écrive l’histoire. Je me disais : J’irai à Baireuth me mettre aux pieds de ma protectrice, j’aurai des passe-ports du roi son frère, que je devrai à la protection de sa bienfaisante sœur. Mais le vent du nord, mon respect pour les housards, et les beaux secours qu’un voyageur trouve en Pologne, ont détruit ma chimère, et je me suis réduit à jouer le bonhomme Lusignan dans Zaïre, devant une grave assemblée suisse. Notre troupe, en vérité, n’aurait pas été indigne de paraître devant Votre Altesse royale.
Il y a, madame, une fille d’esprit à Genève, qui chante à peu près comme Mlle Astrua, et qui est surtout inimitable dans les opéras-buffa. Ce n’est pas qu’on joue des opéras à Genève : on n’y chante que des psaumes. J’ai vu autrefois Votre Altesse royale dans le goût de s’attacher une personne d’esprit et à talents. Cette demoiselle, très-bien née, serait plus faite pour la cour de Baireuth que pour Genève. Mais il ne faut pas parler d’amusements quand tout se prépare pour une guerre si sérieuse. La cour de Versailles vient de créer huit maréchaux de France, et cinquante mille hommes défilent actuellement pour la Flandre. Du moins les maréchaux des logis sont déjà partis. Le roi votre frère sera à portée défaire de plus grandes choses qu’il n’en a fait encore. De là il retournera à la philosophie, pour laquelle il est né aussi bien que pour l’héroïsme, et il se souviendra d’un homme qui
- ↑ Revue française, mars 1866, tome XIII, page 358.