Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3324. — À M. D’ALEMBERT.
Février[1].

Voici une paperasse qu’un savant Suisse me donne pour l’article Isis[2]. Si l’article n’est pas fait à Paris, si celui-ci est passable, faites-en usage ; sinon, au rebut. Voici encore le mot Liturgie[3], qu’un savant prêtre m’a apporté, et que je vous dépêche, à vous, illustre et ingénieux fléau des prêtres. J’ai eu toutes les peines du monde à rendre cet article chrétien. Il a fallu corriger, adoucir presque tout ; et enfin, quand l’ouvrage a été transcrit, j’ai été obligé de faire des ratures. Vous voyez, mon cher et sublime philosophe, quel progrès a fait la raison. C’est moi qui suis forcé de modérer la noble liberté d’un théologien qui, étant prêtre par état, est incrédule par sens commun.

On dit, mon très-cher philosophe, qu’il y a dans la canaille de Paris une secte de margouillistes ; ce devrait être le nom de toutes les sectes.

Ces margouillistes, dérivés des jansénistes, lesquels sont engendrés des augustinistes, ont-ils produit Pierre Damiens ? Portez-vous bien ; éclairez et méprisez le genre humain. N’oubliez pas de faire mes compliments à votre immortel confrère. Sans vous deux, et quelques-uns de vos amis, que resterait-il en France ?


3325. — À M. DIDEROT[4].
À Monrion, pays de Vaud, 28 février.

L’ouvrage[5] que vous m’avez envoyé, monsieur, ressemble à son auteur : il me paraît plein de vertus, de sensibilité et de philosophie. Je pense, comme vous, qu’il y aurait beaucoup à réformer au théâtre de Paris. Mais tant que les petits-maîtres se mêleront sur la scène avec les acteurs, il n’y a rien à espérer. Le plus impertinent de tous les abus, c’est l’excommunication et l’infamie attachée au talent de débiter en public des sentiments

  1. Cette lettre, datée du 29 février, comme celle qui suit, dans toutes les éditions de Voltaire, est très-probablement du 19. Elle ne peut être, au plus tard, que du 26 ou du 27. (Cl.)
  2. L’Encyclopédie contient deux articles Isis : l’un, anonyme, est de Diderot ; l’autre, de M. de Jaucourt.
  3. L’article Liturgie dans l’Encyclopédie, est aussi de Diderot.
  4. Éditeurs, de Cayrol et François.
  5. Le Fils naturel, drame.