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3288. — À M. THIERIOT.
À Monrion, 13 janvier.

Eh bien ! vous courez donc de belle en belle, et vous prétendez qu’on ne meurt que de chiagrin ? ajoutez-y, je vous prie, les indigestions.

Il n’a pas tenu à Robert-François Damiens que le descendant de Henri IV ne mourût comme ce héros. J’apprends dans le moment, et assez tard, cette abominable nouvelle. Je ne pouvais la croire ; on me la confirme : elle glace le sang ; on ne sait où l’on en est. Quoi, dans ce siècle ! quoi, dans ce temps éclairé ! quoi, au milieu d’une nation si polie, si douce, si légère, un Ravaillac nouveau ! Voilà donc ce que produiront toujours des querelles de prêtres ! Les temps éclairés n’influeront que sur un petit nombre d’honnêtes gens ; le vulgaire sera toujours fanatique. Ce sont donc là les abominables effets de la bulle Unigenitus, et des graves impertinences de Quesnel, et de l’insolence de Le Tellier !

Je n’avais cru les jansénistes et les molinistes que ridicules, et les voilà sanguinaires, les voilà parricides !

Je vous supplie, mon ancien ami, de me mander ce que vous saurez de cet incroyable attentat, si votre main ne tremble pas. Écrivez-moi par Pontarlier : les lettres arrivent deux jours plus tôt par cette voie. À Monrion, par Pontarlier, s’il vous plaît. C’est là que je passe mon hiver dans des souffrances assez grandes, en attendant que votre conversation les adoucisse dans ma petite retraite des Délices, auprès de Genève.

J’ai cette indigne édition de la Pucelle. Je me flatte qu’on n’en parle plus. Nous sommes dans le temps de tous les crimes.

Je vous embrasse de tout mon cœur.


3289. — À M. VERNES,
à genève.
À Monrion, 13 janvier.

C’est une chose bien honorable pour Genève, mon cher et aimable ministre, qu’on imprime dans cette ville que Servet était un sot, et Calvin un barbare[1] ; vous n’êtes point calvinistes,

  1. Essai sur l’Histoire générale.