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Laissons les hommes faire leur commun malheur, et jouissons de notre heureuse tranquillité, vous à l’île Jard, et moi aux Délices. Je ne me plains que d’être trop loin de vous. Ne croyons rien de tout ce qu’on nous dit. Il est vrai qu’un misérable s’est avisé de faire une édition infâme d’une Pucelle ; mais il n’est pas vrai que je dusse retourner en France. Dieu me préserve de quitter la retraite charmante que je me suis faite, et qui mérite son nom de Délices ! Quand on s’est fait à notre âge, madame, une retraite agréable, il faut en jouir ; c’est le parti sage que vous avez pris, et dans lequel il faut persister.

Permettez-moi de présenter mes respects à monsieur le premier président d’Alsace et à Mme de klinglin, et surtout à monsieur votre fils. Attendons patiemment l’issue des troubles d’Allemagne. Laissons les gens oisifs écrire au nom du cardinal de Richelieu. Ce monde est un orage ; sauve qui peut.

Mme Denis vous souhaite des années de santé et de tranquillité en nombre ; nous en faisons autant pour Mme de Brumath. Nous n’oublions pas Marie[1] ; mais nous craignons que les Prussiens ne troublent la maison archiducale. Adieu, madame ; conservez vos bontés au bon Suisse V.


3279. — À M. D’ALEMBERT.
28 décembre.

Je vous renvoie Histoire, mon cher grand homme ; j’ai bien peur que cela ne soit trop long ; c’est un sujet sur lequel on a de la peine à s’empêcher de faire un livre. Vous aurez incessamment Imagination, qui sera plus court, plus philosophique, et par conséquent moins mauvais. Avez-vous Idole et Idolâtrie ? c’est un sujet qui n’a pas encore été traité depuis qu’on en parle. Jamais on na adoré les idoles ; jamais culte public n’a été institué pour du bois et de la pierre ; le peuple les a traitées comme il traite nos saints. Le sujet est délicat[2], mais il comporte de bien bonnes vérités qu’on peut dire.

Comment pouvez-vous avoir du temps de reste, avec le Dictionnaire de l’univers sur les bras ?

Mme Denis et moi, nous vous souhaitons la bonne année tout simplement.

  1. L’impératrice Marie-Therèse.
  2. Voyez tome XIX, page 402, et, ci-après, la [[Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3626 |lettre à Diderot, du 26 juin 1758]].