Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

die digne des halles, qu’on a osé imprimer sous mon nom. Je n’ai jamais vu d’ailleurs d’ouvrage plus digne à la fois de mépris et de châtiment ; mais je crois à présent le parlement et le public occupés de soins plus pressants que celui de juger un petit libelle. Je me console parla juste espérance que les honnêtes gens et les gens de goût me rendront justice. Vous y contribuez plus que personne, vos amis vous secondent ; il serait bien étrange que la vérité ne triomphât pas, quand c’est vous qui l’annoncez.

Si cette affreuse calomnie a des suites, je suis très-sûr que vous serez le premier à m’en instruire. Je crois qu’à présent je n’ai rien à faire qu’à déplorer tranquillement la méchanceté des hommes. M. le duc de La Vallière m’a mandé les mêmes choses que vous ; il veut bien se charger d’assurer Mme de Pompadour de mon attachement et de ma reconnaissance pour ses bontés, et il répond qu’elle ne prêtera point l’oreille à la calomnie[1].

Ce n’est pas assurément le temps que M. le maréchal de Richelieu entame ce que votre amitié généreuse lui a suggéré, et je suis bien loin de lui laisser seulement envisager que je veuille mettre ses bontés à l’épreuve. Pour Rome sauvée et les autres pièces, ce sont là des choses qu’on peut demander hardiment. Je n’y ai pas manqué, et j’espère que vous vous joindrez à moi.

Zulime ne sera plus Zulime, elle changera de nom sans changer de caractère. Le lieu de la scène ne sera plus le même. Il y aura quelques scènes nouvelles ; et, comme les deux derniers actes sont absolument différents de ceux qui furent joués, la pièce sera en effet toute neuve. Le reste viendra quand il pourra, quand j’aurai de la santé, de la force, de la tranquillité ; quand la calomnie ne viendra plus assiéger mon ermitage, désoler mon cœur, et éteindre mon pauvre génie. Je vous embrasse avec larmes, mon respectable ami.

Il n’est pas douteux que La Beaumelle n’ait été l’auteur et l’éditeur, avec ses associés, de cet abominable ouvrage ; je le reconnais à cent traits. Voilà pour la seconde fois qu’il fait imprimer mes propres ouvrages farcis de tout ce que sa rage

  1. Allusion aux vers qui commencent ainsi, dans les variantes du chant II de la Pucelle :

    Telle plutôt cette heureuse grisette
    Que la nature, etc.