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ouvrage, excepté les gens qui ont absolument résolu de croire que ces vers sont de vous, quand même ils seraient d’eux. J’ai vu aussi cette petite édition de la Pucelle ; on prétend qu’elle est de l’auteur[1] du Testament politique d’Albéroni ; mais, comme on sait que cet auteur est votre ennemi, il me paraît que cela ne fait pas grand effet. D’ailleurs les exemplaires en sont fort rares ici, et cela mourra, selon toutes les apparences, en naissant. Je vous exhorte cependant là-dessus au désaveu[2] le plus authentique, et je crois que le meilleur est de donner enfin vous-même une édition de la Pucelle que vous puissiez avouer. Adieu, mon cher et illustre maître ; nous vous demandons toujours pour notre ouvrage vos secours et votre indulgence.

Mon collègue vous fait un million de compliments. Permettez que Mme Denis trouve ici les assurances de mon respect. Vous recevrez, au commencement de l’année prochaine, l’Encyclopédie. Quelques circonstances, qui ont obligé à réimprimer une partie du troisième volume, sont cause que vous ne l’avez pas dès à présent. Iterum vale, et nos ama.


3271. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[3].
Aux Délices, 14 décembre.

Madame, le jeune gentilhomme anglais nommé M. Keat, qui aura l’honneur de rendre cette lettre à Votre Altesse sérénissime, me fait crever de jalousie. Ce n’est pas que son mérite, qui n’inspire que des sentiments agréables, fasse naître en moi la triste passion de l’envie ; mais il a le bonheur de voir et d’entendre Votre Altesse sérénissime. Ce bonheur m’est refusé ; il y a là de quoi mourir de douleur. Il peut du moins rendre bon témoignage de mon chagrin ; il peut dire si je regrette autre chose dans le monde que le séjour de Gotha.

Il arrivera peut-être dans le temps qu’on donnera quelque bataille, qu’on prendra quelque ville dans le voisinage de vos États. Mais il verra dans la cour de Votre Altesse sérénissime ce qu’il aime : la paix, la concorde, l’union, la douceur d’une vie égale, espèce de félicité qu’on trouve rarement dans les cours, félicité que vous donnez, madame, et que vous goûtez.

Puisse l’année 1757 être aussi heureuse pour elle et pour toute son auguste famille qu’elle commence malheureusement pour ses voisins ! Je me mets à ses pieds pour cette année et pour toutes celles de ma vie.

  1. Maubert de Gouvost.
  2. Voyez les lettres 3276 et 3340.
  3. Editeurs, Bavoux et François.