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3134. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, 12 mars.

Il faut, mon ancien ami, que l’âge ait dépravé mon goût. Je n’ai pu tâter des deux plats que vous m’avez envoyés par M. Bouret. Je vous remercie, et je ne peux guère remercier l’auteur.

Si vous avez l’ancienne Religion naturelle, en quatre chants, je vous prie de me l’envoyer.

Si vous avez à vous défaire d’un nombre de livres curieux, envoyez-moi la liste et le prix.

Si vous aimez les vers honnêtes et décents, voici ceux[1] qui termineront le sermon sur Lisbonne ; lâchez-les pour apaiser les cerbères.

Quel est l’ignorant qui veut qu’on mette l’ouvrier au lieu du portier[2] ? Cet ignorant-là n’a pas lu saint Paul.

Il ne tient qu’à moi d’aller voir l’opéra de Mérope, de la composition du roi de Prusse, qu’il fait exécuter le 27 mars ; mais je n’irai pas.

En retrouvant votre dernière lettre, j’ai vu que vous m’y disiez de vous envoyer la nouvelle édition de mon Petit Carême par la poste, et que vous vouliez la faire réimprimer sur-le-champ, à l’usage des âmes dévotes. J’obéis donc à votre bonne intention, mon ancien ami. Si on ne veut pas se servir de la préface des éditeurs de Genève, il en faut une qui soit dans le même goût, et qui dise combien ces deux poëmes ont été tronqués et défigurés. Il est très-triste assurément qu’on les ait imprimés sans avoir mon dernier mot ; mais le voici. Je fais aussi la guerre aux Anglais[3] à ma façon.

J’espère que M. le maréchal de Richelieu leur prouvera, à la sienne, qu’il y a pour eux du mal dans ce monde. Je vous embrasse.


3135. — À MADAME DE FONTAINE.
À Monrion, 17 mars.

Ma chère enfant, je savais, il y a longtemps, qu’Esculape-Tronchin était à Paris ; et j’ai été fidèle à un secret qu’il ne m’avait

  1. Vers 207 et suivants du Poëme sur le Désastre de Lisbonne ; tome IX,
  2. Vers 91 du même poëme, que Voltaire appelle ici son Petit Carême. On lit aussi dans Isaïe, chap. xlv, v. 9 : « Numquid dicet lutum figulo suo, etc. »
  3. Allusion à l’optimisme de Pope.