Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se peut pourtant que vous ayez autant de talents pour le service de Mysis[1] que vous en avez pour faire de jolis vers : en ce cas, je vous fais réparation d’honneur.

Si vous avez quelque nouvelle intéressante, je vous prie de m’en faire part, quoique en prose. Je vais faire lire Mysis à Mme Denis la paresseuse, qui n’écrit point, mais qui vous aime véritablement.


3270. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 13 décembre.

Vous avez, mon cher et illustre maître, très-grande raison sur l’article Femme[2] et autres ; mais ces articles ne sont pas de mon bail : ils n’entrent point dans la partie mathématique, dont je suis chargé, et je dois d’ailleurs à mon collègue la justice de dire qu’il n’est pas toujours le maître ni de rejeter ni d’élaguer les articles qu’on lui présente. Cependant le cri public nous autorise à nous rendre sévères, et à passer dorénavant par-dessus toute autre considération ; et je crois pouvoir vous promettre que le septième volume n’aura pas de pareils reproches à essuyer.

J’ai reçu les articles que vous m’avez envoyés, dont je vous remercie de tout mon cœur. Je vous ferai parvenir incessament l’article Histoire contresigné. Nos libraires vous prient de vouloir bien leur adresser dorénavant vos paquets sous l’enveloppe de M. de Malesherbes, afin de leur en épargner le port, qui est assez considérable. Quelqu’un s’est chargé du mot Idée. Nous vous demandons l’article Imagination ; qui peut mieux s’en acquitter que vous ? Vous pouvez dire comme M. Guillaume[3] : Je le prouve par mon drap.

Le roi tient actuellement son lit de justice pour cette belle affaire du parlement et du clergé ;


Et l’Eglise triomphe ou fuit en ce moment[4].


Tout Paris est dans l’attente de ce grand événement, qui me paraît à moi bien petit en comparaison des grandes affaires de l’Europe. Les prêtres et les robins aux prises pour les sacrements vis-à-vis[5] les grands intérêts qui vont se traiter au parlement d’Angleterre, vis-à-vis la guerre de Bohême et de Saxe, tout cela me paraît des coqs qui se battent vis-à-vis des armées en présence.

Personne ne croit ici que les vers contre le roi de Prusse[6] soient votre

  1. Dans ce ballet, l’Amour est déguisé sous le nom de Mysis.
  2. Voyez les lettres 3259 et 3266.
  3. Dans l’Avocat Patelin, comédie de Brueys, acte III, scène ii.
  4. Bajazet, acte I, scène ii.
  5. C’est par ironie que ce mot est employé ici ; voyez tome V, page 413.
  6. Voyez lettre 3256.