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dans les finances de l’électorat, cet État sera ruiné pour longtemps.

Il paraît bien difficile que l’impératrice-reine soit longtemps en état de soutenir la guerre contre la Prusse, l’Angleterre, la Hesse, etc. Sur quel prétexte, d’ailleurs, la ferait-elle après le traité du roi de Prusse avec la Saxe ? Elle n’aura plus l’électeur de Saxe à secourir ; elle ne pourra manifester le dessein secret de reprendre la Silésie ; elle n’est pas assez riche pour soudoyer une armée de Russes. Il se peut donc faire qu’on ait la paix cet hiver, et c’est assurément ce qu’on doit désirer. Mais il se peut aussi que l’opiniâtreté fasse durer les malheurs du genre humain. Très-souvent une guerre continue, par cela seul quelle a été commencée. Il faut s’attendre à tout ; mais je ne serai point surpris si le roi de Prusse fait et donne un opéra au mois de janvier dans Berlin, après avoir donné une bataille en Bohême au mois de septembre.

Que je voudrais être dans votre cour, madame ! que je voudrais être aux pieds de Votre Altesse sérénissime ! Mais il y a une nièce qui gouverne ma vieillesse, et qui ne veut plus passer par Francfort.

Je suis bien inquiet sur la santé de la grande maîtresse des cœurs : le ciel conserve la vôtre, madame, et celle de votre auguste famille ! Agréez mon profond respect et ma reconnaissance.


3255. — À M. TRONCHIN, DE LYON[1].
Délices, 6 novembre.

Les Anglais enchériront le sucre ; il sera cher à Leipsick ; mais les bottes y seront à bon marché, si on vend la garde-robe du comte de Brühl[2]. On dit que les Russes avancent ; mais je n’ai ni foi, ni espérance en eux. Ils n’ont point d’intérêt à la question, et on n’a pas de quoi les payer. Interim Salomon rit : attendons.

P. S. N’avez-vous pas ri des réponses du roi de Prusse aux articles de la capitulation des fourches caudines ? Il se moque de l’univers, et s’en moquera. Il fera sa paix dans un mois, et ira faire jouer dans Berlin un opéra de sa façon.

On dit le pape mourant[3] ; c’est dommage. Si tous ses prédé-

  1. Editeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la lettre du 9 novembre à la duchesse de Saxe-Gotba (n° 3257).
  3. Benoit XIV.