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trouve que je suis affublé moi-même d’une sciatique plus violente que la sienne.

P. S. Je ne sais point de détails des fourches caudines du roi de Pologne : s’il a fait un traité, je tiens tout fini : s’il ne l’a pas fait, je crois la guerre générale.


3252. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 1er novembre.

Je n’ai point eu de cesse, mon héros, que je n’aie fait venir dans mon ermitage M. le duc de Villars, de son trône de Provence[1], pour le faire guérir par Tronchin d’un léger rhumatisme ; et moi, j’en ai un goutteux, horrible, universel, que Tronchin ne guérit point, et qui m’a empêché de vous écrire. Quel plaisir m’a fait ce gouverneur des oliviers, quand il m’a parlé de vos lauriers et de l’idolâtrie qu’on a pour vous sur toutes les côtes !

Je vous avais envoyé de très-fausses nouvelles que je venais de recevoir de Strasbourg. J’en reçois de Vienne qui ne sont que trop vraies. On y est dans un chagrin de dépit et de consternation extrême. Il est certain que l’impératrice hasardait tout pour délivrer le roi de Pologne. M. de Brown avait fait passer douze mille hommes par des chemins qui n’ont jamais été pratiqués que par des chèvres ; il avait envoyé son fils au roi de Pologne. Ce prince n’avait qu’à jeter un pont sur l’Elbe, et venir à lui. Il promit pour le 9, puis pour le 10, le 12, le 13, et enfin il a fait son malheureux traité[2] des fourches caudines. Les Anglais et les guinées ont persuadé, dit-on, ses ministres.

On mande de Fontainebleau qu’on a prié le ministre[3] du roi de Prusse de s’en retourner. Je n’ose le croire ; je ne crois rien, et j’espère peu. On prétend que le roi de Prusse mêle actuellement les piques de la phalange macédonienne à sa cavalerie. Ce sont les mêmes piques dont mes compatriotes les Suisses se sont servis longtemps. Je ne suis pas du métier, mais je crois qu’il y a une arme, une machine bien plus sûre, bien plus redoutable ; elle faisait autrefois gagner sûrement des batailles. J’ai dit mon secret à un officier[4] ne croyant pas lui dire une chose impor-

  1. Le duc de Villars était gouverneur de Provence.
  2. La capitulation de l’armée saxonne, du 15 octobre 1756.
  3. Le baron de Kniphausen.
  4. Le marquis de Florian ; voyez la lettre du 31 mai 1757.