Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3248. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 22 octobre.

Madame, il ne reste à moi, pauvre perclus, que la liberté de la main droite pour remercier Votre Altesse sérénissime. Je connais tous les manifestes du roi de Prusse. Le meilleur, à ce qu’on dit, est une bataille gagnée au commencement du mois, vers les frontières de la Bohême. Voilà déjà environ vingt mille hommes morts pour cette querelle, dans laquelle aucun d’eux n’avait la moindre part. C’est encore un des agréments du meilleur des mondes possibles. Quelles misères, et quelles horreurs ! La meilleure de toutes les demeures possibles est certainement celle de Gotha, et je sais bien quelle est la meilleure des princesses possibles.

Conservez, madame, la paix de vos États, comme vous conservez celle de l’âme. Je suis toujours dans cet ermitage si précieux pour moi, puisqu’il a été habité par un prince dont le souvenir m’est si cher. Je crois ses frères déjà en état de faire goûter à leur mère le plaisir de voir leurs progrès. Je serai attaché pour jamais à cette auguste famille. Je m’intéresse bien plus à Gotha qu’à Pirna[2].

Je supplie la grande maîtresse des cœurs de répondre de mes sentiments et de mon profond respect pour Votre Altesse sérénissime.


3249. — À M. TRONCHIN, DE LYON[3].
Délices, 23 octobre.

Vous savez qu’on prétend que le roi de Pologne a échappé[4] à ce diable de Salomon du Nord ; il y a des temps où c’est un grand bonheur de sortir de chez soi. On ajoute que les housards de Nadasti vont droit à Berlin par le plus court ; mais on n’est encore bien informé de rien, pas même de la bataille du 1er.

Voilà un premier acte de tragédie embrouillé et sanglant ; toute la pièce sera dans ce goût. J’aime mieux votre théâtre de Lyon.



  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Où les Saxons capitulèrent le 17 octobre.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.
  4. Il se retira en Pologne.