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Mes respects àMme de Graffigny ; mes compliments de ce qu’elle donne une sœur à Cénie. Je suis bien loin de rimer pour un théâtre que je ne verrai plus.


3238. — À M. PICTET,
professeur.

J’ai lu ce morceau du jésuite Castel[1], descendant de Garasse en droite ligne ; disant des injures d’un ton assez comique. Il est le cynique des jésuites, comme ce pauvre citoyen est le cynique des philosophes. Mais Rousseau n’a jamais dit d’injures à personne, et il écrit beaucoup mieux que Castel : voilà deux grands avantages.


3239. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 20 septembre.

Mon divin ange, après des Chinoises vous voulez des Africaines[2] ; mais il y aurait beaucoup à travailler pour rendre les côtes de Tunis et d’Alger dignes du pays de Confucius. Vous vous imaginez peut-être que, dans mes Délices, je jouis de tout le loisir nécessaire pour recueillir ma pauvre âme ; je n’ai pas un moment à moi. La longue maladie de Mme de Fontaine et mes souffrances prennent au moins la moitié de la journée ; le reste du jour est nécessairement donné aux processions de curieux qui viennent de Lyon, de Genève, de Savoie, de Suisse, et même de Paris. Il vient presque tous les jours sept ou huit personnes dîner chez moi ; voyez le temps qui me reste pour des tragédies. Cependant si vous voulez avoir l’Africaine telle qu’elle est à peu près, en changeant les noms, je pourrais bien vous l’envoyer, et vous jugeriez si elle est plus présentable que le Botoniate[3]. Il faudrait, je crois, changer les noms, pour ne pas révolter les Dumesnil et les Gaussin ; mais il faudrait encore plus changer les choses.

  1. Castel (Louis-Bertrand), que Voltaire a traite de Zoïle après l’avoir appelé Euclide, né à Montpellier en 1688, est mort le 11 janvier 1757. Il avait publié, au commencement de 1756, l’Homme moral opposé à l’homme physique de M. R*** (Rousseau), lettres philosophiques où l’on réfute le déisme du jour. Si, comme je le présume, c’est de cet ouvrage que parle Voltaire, sa lettre peut-être antérieure à septembre. (B.)
  2. Zulime.
  3. Du conseiller Tronchin.