Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3236. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 14 septembre 1756.

Madame, voilà une de ces occasions où il aurait fallu, à la tête de l’électorat de Saxe, quelque héros de la branche aînée, qui eût la grandeur de vos sentiments et la sagesse de votre esprit. Je me flatte, au moins, que si la guerre s’allume, l’heureuse tranquillité dont jouissent les États de Votre Altesse sérénissime ne sera point troublée. Qui sait à présent, madame, sur quelle tête cet orage crèvera ? Je suis comme les Russes qui, lorsqu’on leur demande si leur autocratrice ira à la promenade, répondent : « Il n’y a que Dieu et saint Nicolas qui le sachent. » On a déjà donné les ordres, en France, pour assembler environ vingt mille hommes auprès de Metz. Mais c’est une démarche prudente, qui n’annonce pas encore l’effusion du sang humain.

Quelque chose qui arrive, il est probable que nous autres, bons Suisses, nous serons toujours tranquilles. Tout indifférents que nous paraissons, nous sommes curieux, et nous attendons le dénoûment avec impatience. Mais, parmi tant d’agitations, mes vœux les plus ardents sont pour la prospérité de Votre Altesse sérénissime et de son auguste famille. Je me flatte qu’elle jouit d’une santé parfaite ; je la souhaite à la grande maîtresse des cœurs, et je me mets à vos pieds, madame, avec le plus profond respect et l’attachement le plus inviolable.


3237. — À M. THIERIOT[2].
Aux Délices, 17 septembre.

Mon ancien ami, tout le monde fait des sottises. Les frères Cramer en ont fait une très-ridicule ; je leur ai lavé leur tête genevoise. Ce sont gens de mérite ; mais ils ne connaissent point Paris.

J’apprends que Mme de Là Popelinière est guérie radicalement par M. Castera. Cela est-il vrai ? Je la prie de croire que je m’y intéresse véritablement.

Mme de Fontaine est très-mal : M. Tronchin aura bien de la peine à la tirer d’affaire. Je serais inconsolable de la perdre.

Quid novi de Salomon et de la reine de Saba ?

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.