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3227. — À M. LE DOCTEUR THONCHIN[1].

Les dévotes sont toujours après leur directeur ; les gourmandes crient après un médecin quand elles ont mangé trop de jambon. Mon cher Esculape, vous êtes accoutumé aux faiblesses humaines : pardonnez à quatre ou cinq femmes compatissantes qui voulurent hier vous faire courir à heure indue pour une petite indigestion. Vous savez que ces bagatelles n’ont pas de suite dans les bons tempéraments.

Les deux nièces et l’oncle sont tous sous votre domination, et vous sont attachés comme on doit l’être.


3228. — À M. BERTRAND,[2].
premier pasteur, à berne.
Aux Délices, 3 septembre.

Mon cher philosophe, les Délices sont devenues un petit hôpital. J’ai une nièce très-malade, ce n’est pas Mme Denis. C’est une autre bonne parente, qui a fait le voyage de Paris à Genève pour son pauvre oncle le malingre. Je n’ai pas eu un jour de santé depuis que je vous ai vu ; il est vrai que malgré mes souffrances je me suis amusé à esquisser un essai de l’histoire générale jusqu’à nos jours. J’ai trouvé que les malheurs du prince Edouard, le voyage de l’amiral Anson autour du globe, la révolution de Gênes, la prise de Madras et la cruelle récompense donnée à La Bourdonnaie en le mettant trois ans à la Bastille ; j’ai trouvé, dis-je, que tout cela pouvait fournir quelques réflexions philosophiques. Je n’écris l’histoire qu’autant qu’elle peut être utile à la raison et aux mœurs, et je néglige tous les faits, qui ne sont bons que dans les gazettes.

Il me semble que j’avais eu l’honneur de voir cette jeune Mmede Freudenreich que la mort vient d’enlever. Je suis sensiblement touché de tout ce qui regarde ceux qui portent ce nom. Je vais écrire à monsieur le banneret. Mme Denis vous fait mille compliments.

  1. Nous croyons que ce billet sans date, édité par MM. de Cayrol et François, doit avoir place à cette époque ou être rejeté au mois de juin 1758. (G. A.)
  2. Six Lettres inédites de Voltaire, broch. in-8° (sans lieu ni date) de M. Cl. Perroud.